2. Les lois de la prière
Sincérité et honnêteté
La première loi, c’est qu’il nous faut être honnête dans la prière. Luther décrivait ainsi cette première loi de la prière : « Ne pas mentir à Dieu ». La grande tentation de la prière, c’est de suivre les conventions, de prier dans un langage pieux pour ce que nous savons être des sujets de prière. Pourtant, la vérité c’est que parfois, sinon toujours, nul ne serait plus bouleversé que nous si notre prière était exaucée. Il peut arriver que nous priions pour être débarrassés d’une mauvaise habitude sans la moindre intention de l’abandonner. Il se peut que nous priions pour telle qualité ou telle vertu sans désir profond de la posséder. Peut-être prions-nous pour devenir un certain genre de personne alors qu’au fond de nous-mêmes, nous ne souhaitons pas être ainsi transformés parce que, en fait, nous sommes très contents de ce que nous sommes. La prière est menacée par la platitude pieuse et dépourvue de sens. Elle est menacée aussi par le fait que nous prions à juste titre pour « ce qui est bon » sans aucun désir d’être exaucés. Cela s’appelle mentir à Dieu. Il est impossible de prier pour ce que nous ne désirons pas de tout notre cœur. S’il est une chose que nous croyons devoir désirer et que nous ne voulons pas obtenir, la première des choses à faire consiste à ne pas prier pour cela, ce serait malhonnête. Mais il faut plutôt confesser à Dieu que le saint désir qui devrait habiter notre cœur en est absent et donc lui demander par son Esprit de l’y mettre. Dans nos prières, il faut que règne une honnêteté sans faille envers nous-mêmes afin que nous puissions être honnêtes avec Dieu, car Dieu voit les secrets de notre cœur et il sait très bien discerner les moments où nous demandons pour la forme des bénédictions que nous n’avons pas vraiment envie de recevoir.
Précision
De cette première loi découle tout naturellement la seconde. Dans la prière, il faut être très spécifique. Il ne suffit pas de demander le pardon de Dieu parce que nous sommes de pauvres pécheurs misérables ; c’est bien trop facile. Il nous faut confesser à Dieu nos péchés et les nommer individuellement. Il ne suffit pas de remercier Dieu vaguement pour tous ses dons ; il faut que nous citions chacun des dons pour lesquels nous lui disons merci. Il ne suffit pas de demander nébuleusement à Dieu de nous rendre bons. Il nous faut demander expressément ce qui nous fait défaut et dont nous avons besoin. Il n’est pas de véritable prière sans examen de soi-même. Et l’examen de soi-même est difficile, fatigant et surtout humiliant. Nombre d’entre nous passent leur vie à se fuir plutôt qu’à faire face à eux-mêmes. L’une des raisons principales pour lesquelles nos prières ne sont pas ce qu’elles devraient être, c’est qu’il est bien peu de gens qui veulent affronter la ferme discipline de l’examen de soi-même devant Dieu. Or, c’est la base de toute prière. La prière et l’examen de soi-même vont de pair.
Penser aux autres
Cependant, nous aurions tort de nous arrêter là. Supposons que nous ayons une foi parfaite en Dieu : Père généreux et plein d’amour ; supposons que nous soyons honnêtes dans la prière ; supposons que nous parvenions à la discipline de l’examen de soi et à la prière concrète qui en résulte, recevrons-nous alors tout ce que nous demanderons ? Il est encore d’autres lois qui gouvernent la prière et dont nous devons nous souvenir.
Il faut nous souvenir que nous sommes liés à ce qui constitue la vie. Nous ne sommes pas des unités simples, détachées et isolées, mais nous faisons partie d’une communauté, d’une société que nous le voulions ou non. Quoi que nous fassions, cela ne manque pas d’avoir des répercussions sur autrui. Nous sommes donc contraints de reconnaître que Dieu ne peut répondre à une requête égoïste.
Il peut très bien se produire que si notre prière est exaucée, quelqu’un d’autre en souffrira d’une certaine façon. Il peut très bien arriver que nous donner ce que nous désirons priverait quelqu’un de ce qu’il devrait recevoir. Il nous arrive si souvent de prier comme si personne d’autre que nous n’avait d’importance, comme si nous étions le centre de l’univers, comme si la vie et tout ce qu’elle comprend devait s’organiser et s’adapter en fonction de notre propre intérêt. La prière qui oublie les autres ne peut être exaucée dans le sens que nous attendons. L’humanité, c’est la famille de Dieu et, dans cette famille, il ne peut y avoir d’enfants gâtés qui obtiennent quoi que ce soit par leurs cris.
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