Pour un esprit façonné par la culture contemporaine, le titre sonne comme une plaisanterie ou une provocation. A-t-on le droit de soulever pareille question, dans notre culture éclairée par les Lumières et émancipée de l’obscurantisme moyenâgeux ? Évoquer Dieu en relation avec l’humanité, passe encore, pourvu que ce soit dans l’esprit d’une anthropologie bien comprise. Celle-ci analysera de l’extérieur, mais avec sollicitude, la psychologie et la sociologie de ces bêtes curieuses que sont les croyants en un Dieu personnel. En revanche, évoquer Dieu en relation avec le Big Bang et les étoiles risque fort d’être perçu, sinon comme une contradiction dans les termes, du moins comme le comble du scandale et de la confusion. Beaucoup y voient une trahison de la raison ou une sournoise entreprise de récupération de la science au service d’un ténébreux prosélytisme.
Pourtant, malgré l’emprise de la religion dominante qui fait de l’homme son propre dieu, force est de constater la persistance de la fameuse question : « …et Dieu dans tout ça ? »(1). La place de l’homme dans l’univers reste une question ouverte, pour ceux du moins qui se permettent le luxe de la poser. Pas besoin pour cela d’une référence directe à un Dieu personnel, comme le prouve le succès des livres de mon collègue bouddhiste Trinh Xuan Thuan(2). Mais, dans notre culture malgré tout héritière de traditions judéo-chrétiennes, cette question renvoie nécessairement au Dieu transcendant et personnel qu’elles dépeignent. D’ailleurs, les hommes de science des siècles passés n’ont pas toujours montré la pudeur effarouchée de nos contemporains face à tout ce qui pourrait se rapporter à Dieu.
On ne traite pas une question en la déclarant nulle. Nous allons donc tenter d’y répondre, comme beaucoup avant nous. Nous le ferons avec un recul aussi ample que possible, afin de contourner les pièges qui lui sont inhérents. En particulier, il convient de bien percevoir la nature exacte de la science d’une part, et la nature de la foi d’autre part. Cette dernière est définie dans la Bible comme « une ferme attente des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas »(3); on peut aussi la considérer comme une pleine confiance en Dieu révélé en Jésus-Christ. Bien définir science et foi permet de clarifier le débat, si ce n’est de l’annuler, tant il est vrai qu’un problème bien posé est à moitié résolu. Examinons donc brièvement la nature de la cosmologie et de l’astrophysique, ce qu’elles nous enseignent, mais aussi ce qu’elles ne peuvent nous dire. Nous allons le faire à travers quatre chapitres qui renvoient chacun plus ou moins directement à la question de notre place dans l’univers, et peut-être à celle de notre place devant Dieu.