De nombreux Juifs ont franchi le pas, impensable il y a encore une cinquantaine d’années, de reconnaître en Jésus le Messie, le Fils de Dieu. On les appelle, en général, les Juifs messianiques. La plupart acceptent aussi le synonyme de chrétien, à condition toutefois qu’il soit expliqué et compris dans son sens premier : des disciples de Jésus.
Les Juifs chrétiens ont certainement été présents dans l’Église depuis le premier siècle, souvent en petit nombre et dans des conditions très « inconfortables »... Le mouvement moderne des Juifs messianiques a cependant émergé à la fin du siècle dernier avec l’émancipation des Juifs et l’activité des missions protestantes en Europe centrale (Russie, Pologne, Hongrie, Roumanie) et aux Etats-Unis. Ces missions étaient en général organisées et animées par des Juifs chrétiens.
Plusieurs dizaines de rabbins ont adhéré à la foi en Jésus ; certaines biographies ont été publiées : Joseph Rabinovitch à Kichinev, Isaac Lichtenstein en Hongrie, Abraham Schwartzenberg en Pologne, Solomon Alexander, premier évêque de l’Église anglicane à Jérusalem, etc.
Hélas, bon nombre de ces « judéo-chrétiens » d’Europe ont été exterminés au même titre que leurs familles et amis juifs.
Dans son Journal, la jeune Hollandaise Etty Hillesum mentionne un convoi de Juifs catholiques déporté vers les camps de concentration en Allemagne. De même, le Polonais Dawid Sierakowiak signale (non sans une certaine ironie) dans son propre journal que des chrétiens sont déportés parce qu’il est prouvé qu’ils ont une grand-mère juive(1). On estime que plusieurs dizaines de milliers de Juifs catholiques et protestants (100 000 à 200 000 selon certaines sources) furent déportés et anéantis dans les camps nazis. Leur certificat de baptême n’a pas pesé lourd dans la balance nazie… Le sujet reste souvent ignoré, voire tabou, mais la présence des Juifs messianiques dans les camps nazis montre qu’ils témoignaient, dans cette souffrance indicible, de leur double appartenance au peuple de l’Ancienne et de la Nouvelle Alliance.
Les Juifs messianiques en Grande-Bretagne et aux États-Unis
En Grande-Bretagne, la chapelle juive des « Bnei Abraham » (fils d’Abraham) est fondée à Londres en 1813 et l’Hebrew Christian Alliance est créée en 1866 par le rabbin allemand Schwartz.
Aux États-Unis, le mouvement s’organise à la fin du 19ème siècle. En 1907, Mark Levy propose à l’Assemblée Générale de l’Église épiscopale (anglicane) des États-Unis de restaurer la branche hébraïque de l’Église originelle. Cette proposition sera acceptée par l’Assemblée générale, qui autorise aussi la circoncision et l’observance des traditions juives pour les chrétiens d’origine juive.
En 1925 est fondée l’International Hebrew Christian Alliance (IHCA) qui regroupe principalement les associations britanniques et américaines. Elle sera renommée, en 1997, International Messianic Jewish Alliance (IMJA, www.imja.org) à laquelle adhère aujourd’hui la majeure partie des organisations juives messianiques dans le monde (une vingtaine environ), dont l’Alliance Francophone des Juifs Messianiques (AFJM, www.yeshoua.com).
En 1934, une première « assemblée messianique » est établie à Chicago dans un quartier où la population juive est très dense. Ces assemblées se multiplient ensuite dans les quartiers juifs des autres villes et États américains. L’Union of Messianic Jewish Congregations (UMJC) regroupe aujourd’hui environ 80 communautés aux États-Unis.
Ces communautés et alliances reflètent en partie les diverses tendances du judaïsme orthodoxe au judaïsme libéral, mais dans une perspective résolument messianique. En général, leur Credo est en tout point semblable à celui de l’Église universelle (Symbole des Apôtres, par exemple) : il souligne en particulier la foi au Dieu unique d’Israël, Père, Fils (Jésus) et Saint-Esprit.
Les Juifs messianiques aujourd’hui
Des Juifs messianiques d’Europe ont émigré, principalement aux États-Unis, avant la Shoah. Certains rescapés les ont rejoints après la guerre, ou se sont installés en Israël. Après la Shoah, cependant, les Juifs étaient plus que jamais hostiles à la foi messianique, à de rares et notables exceptions près : certains rescapés ont reconnu en Jésus leur Messie après avoir traversé l’épreuve insoutenable des camps de concentration(2)… Cela tient du miracle, à bien des égards.
Le mouvement juif messianique, tel que nous le connaissons aujourd’hui, a toutefois pris son essor au cours des années 60 sur les campus universitaires nord-américains. Les étudiants se montrent alors réceptifs lorsqu’ils entendent l’Évangile, la Bonne Nouvelle du Messie Jésus. Beaucoup de Juifs et de non-Juifs acceptent librement d’être baptisés et de vivre leur foi dans une Église. Certains créent de nouvelles assemblées messianiques qui rassemblent de nombreux Juifs, souvent rejoints par des non-Juifs. Ils donnent à leurs célébrations une « couleur » indéniablement juive en puisant largement dans les traditions bibliques et culturelles de leurs ancêtres (fêtes juives, airs traditionnels, respect de certaines coutumes, etc.).
Le mouvement des « Juifs pour Jésus » apparaît dans les années 70. Très actifs pour enseigner les chrétiens sur l’arrière-plan juif des évangiles et de la foi chrétienne, les « Juifs pour Jésus » sont aussi réputés, et parfois décriés, pour leur évangélisation jugée provocatrice dans les rues des grandes villes du monde.
Combien de Juifs messianiques ?
Il y aurait environ 180.000 à 250.000 Juifs messianiques et 300 à 350 assemblées messianiques dans le monde aujourd’hui. Les estimations varient toutefois de 50.000 (David Stern) à 350.000 (World Christian Encyclopedia). Cela dépend en partie de la définition que l’on donne à l’identité juive, mais aussi de la difficulté à recenser les Juifs messianiques dispersés dans diverses Églises et communautés messianiques. Il n’est pas rare non plus que des non-Juifs se déclarent soudain « juifs », sur une simple intuition ou parce qu’ils ont découvert parmi leurs ancêtres un nom à consonance juive…
Aux États-Unis
Les Juifs messianiques sont environ 100.000 à 150.000 aux États-Unis où vivent à 5 à 6 millions de Juifs selon la définition du judaïsme officiel. Les Juifs messianiques américains ont rejoint pour la plupart (80 à 85 %) des Églises protestantes et une minorité a opté pour l’Église catholique. Ils revendiquent leur identité juive et tentent de rendre les églises sensibles aux origines juives du christianisme. Ils adoptent en général la théologie et les traditions de l’Église où ils se trouvent.
Une minorité (15-20%) a cependant favorisé l’essor des « assemblées messianiques », le plus souvent dans des quartiers où se trouvent...