Bonjour Amine. Comme beaucoup d’Algériens, vous avez grandi dans une famille musulmane…
En effet. Ma famille était d’ailleurs très pratiquante, et surtout très engagée à m’apprendre le Coran et l’islam. En tant qu’aîné, j’étais destiné à être Khadi, un enseignant de l’islam. En conséquence, j’ai été placé dans des écoles coraniques dès l’âge de deux ou trois ans. J’apprenais à réciter le Coran.
Quand le doute s’est-il insinué en vous ?
J’étais enfant quand j’ai assisté aux violences commises pendant la guerre. Outre la lutte contre l’armée française, j’étais frappé par le fait que des musulmans se battaient entre eux. Je connaissais le Coran, et je me posais bien des questions en voyant comment ses sourates étaient appliquées.
Comment avez-vous entendu parler de Jésus ?
Le Coran lui-même parle de Jésus (ʿĪsā – une douzaine de fois) et de Marie. Je peux dire avec certitude que cela interpelle tous les musulmans qui apprennent le Coran. En effet, Jésus y est nommé Parole de Dieu, il est aussi écrit qu’il est le Messie ('Al-Masih'), l’Esprit de Dieu et qu’il a été élevé jusqu’à Dieu. Le Coran indique également que ʿĪsā est sans péché et qu’il a fait des miracles extraordinaires. Tout cela pose, bien entendu, des questions à celui qui le lit.
Pourquoi avez-vous, un jour, décidé de suivre Jésus plutôt que Mohammed, tout en restant musulman ?
Depuis mes premières années, j’ai été très troublé par le fait que le Coran témoigne du caractère unique de Jésus. Il est dit pur de tout péché alors qu’il écrit par ailleurs que Mohammed se devait de demander pardon pour ses péchés passés et à venir. Ceci est confirmé encore plus explicitement dans des hadiths(1) où nous voyons le prophète lui-même demander explicitement pardon à Dieu.
Ce qui m’a aussi troublé, c’est que Mohammed ordonne de combattre et de tuer, y compris des musulmans hypocrites. Ceux qui se battaient à l’époque contre le FLN ont utilisé ces versets du Coran pour justifier leurs actes.
Vous avez donc remis en question votre engagement dans l’islam°?
Non, car tout cela n’a jamais abîmé ma croyance en Dieu. Elle était inébranlable.
Faites-vous une distinction entre votre croyance en Dieu et le fait d’être musulman ?
Lorsque j’ai comparé ce que le Coran dit de Jésus et de Mohammed, j’en ai conclu que Jésus était le véritable envoyé de Dieu. À la différence de Mohammed, Jésus était pur de tout péché.
Au moment où vous teniez ce raisonnement, aviez-vous déjà lu les évangiles ?
Non, je n’avais jamais ouvert la Bible et je ne connaissais rien du christianisme. Même quand je me suis retrouvé en Suisse pour mes études, je n’ai pas eu la curiosité d’entrer dans une église, car je pensais que les églises étaient réservées aux baptisés. De plus, très peu de gens parlaient de religion autour de moi. Personne, à l’époque, ne m’a parlé de Jésus d’une manière convaincante.
Si je comprends bien, la violence chez ceux qui se réclament de l’islam, a joué un rôle déterminant dans votre cheminement ?
Effectivement. J’ai compris qu’il n’y avait pas de grande différence entre les égorgements perpétrés pendant la guerre d’Algérie et ceux d’aujourd’hui attribués à Daesh. Ce prétendu « État islamique » n’est pas sorti du néant. Les guerres d’hier et d’aujourd’hui proviennent de la même source. Ceci m’a poussé à rejeter l’islam en tant que religion et en tant que croyance.
Comment en êtes-vous arrivé à connaître Jésus ?
Je suis reconnaissant au Seigneur d’avoir été conduit à acheter un jour une cassette du film « Jésus de Nazareth ». C’est elle qui a provoqué le déclic. Pourtant, à l’époque, je me l’étais surtout procurée pour l’intrigue et les paysages. C’est en visionnant ce film que Dieu m’a rencontré. J’ai entendu ce que Jésus dit dans la synagogue, lorsqu’il lit un texte du prophète Ésaïe où il est écrit : « J’ai reçu l’onction pour annoncer la Parole aux pauvres, pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, redonner la vue aux aveugles, libérer les captifs de leurs chaînes. » J’ai ressenti une présence dans la pièce où je me trouvais. À ce moment-là, je suis tombé en pleurs. J’ai compris que j’avais découvert la Vérité. Dès lors, j’ai commencé à lire les évangiles. Jésus y proclame : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. »
Quelle a été la réaction de votre famille ?
Ma famille en Algérie pensait que j’allais revenir à l’islam. Mais comme cela ne s’est pas fait, j’étais anathème aux yeux des membres de ma famille. Ils m’ont renié. Je dois reconnaître que j’ai vécu une dizaine d’années très difficiles. J’étais dans un état dépressif.
Comment avez-vous fait pour entrer en relation avec le monde chrétien ?
J’ai envoyé un e-mail à des Églises pour recevoir le baptême, car j’avais lu dans les évangiles qu’il fallait se faire baptiser lorsqu’on devient chrétien. Pour être honnête, je n’ai pas reçu beaucoup de réponses. Les églises ne sont pas toujours bien informées sur la réalité de l’islam. La première Église qui m’a répondu – trois mois plus tard est celle où j’ai été baptisé.
J’ai depuis lors été sollicité pour des conférences sur l’islam.
Quelle est votre attitude à l’égard des musulmans maintenant que vous êtes chrétien ?
Je ne fais aucun amalgame entre la doctrine, avec ses préceptes, et les musulmans en tant que croyants. Je prie pour mes frères et sœurs musulmans, et je les aime.
Quel regard portez-vous sur la violence dans les pays musulmans ?
Il est vrai qu’aujourd’hui l’ensemble du monde musulman est, à ce sujet, dans un questionnement très profond. Malheureusement, la violence fait partie de l’islam depuis sa naissance. Mohammed et ses disciples l’ont utilisée pour conquérir le pouvoir et des nations. On ne sait pas, dans l’islam, comment trouver une solution pour séparer la politique de la religion. Or, celle-ci ne devrait rester que d’ordre spirituel.
Le monde musulman, et surtout ses autorités religieuses, n’ont pas réussi à changer ce rapport à la violence. Du reste, il paraît difficile de remettre en cause les textes fondateurs eux-mêmes. Personne ne voit de solution. Mais nous prions le Seigneur pour qu’il fasse sortir le monde musulman de cette violence qui le gangrène comme un cancer.
Je me remémore ces paroles du Christ : « Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous maltraitent, et bénissez ceux qui vous maudissent. » Ce sont des paroles qui peuvent toucher profondément le cœur d’un musulman.
Où peut-on vous retrouver ?
Aujourd’hui, je participe au site www.islam-questions.com. J’essaie de répondre le plus honnêtement possible aux questions que les gens se posent. Je prie le Seigneur de me donner les mots justes pour que je sois fidèle à la vérité et à son message d’amour infini.
On estime qu’il y a aujourd’hui 200.000 chrétiens en Algérie. Ils étaient 2.000 il y a trente ans.