Pour la liberté de cultes !

Extrait Le culte

Ce texte d’Étienne Lhermenault, secrétaire général de la Fédération des Églises évangéliques baptistes de France, a d’abord été une prédication prononcée à Montluçon en octobre dernier au cours du culte organisé par l’antenne Auvergne de la Fédération Protestante de France à l’occasion du centenaire de la FPF. Les convictions qui sont exprimées là dépassent de beaucoup l’occasion qui leur a donné naissance et méritent d’être méditées par toutes nos Églises.

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Pour la liberté de cultes !

Jean 4.19-24 et Romains 11.33 à 12.2

Il n’est pas rare que le culte protestant diffusé le dimanche matin sur France Culture vaille à la Fédération Protestante des commentaires du genre : « Il n’y a plus beaucoup de vrais cultes à la radio ! ». Ce qu’il faut entendre par là, c’est que la personne ne retrouve pas aussi souvent qu’elle le souhaiterait le style de culte auquel elle est habituée. Dans un autre registre, je pense à cette remarque d’un pasteur tzigane qui, ayant assisté au culte de l’Église évangélique Libre de Carmaux dont j’avais la charge, est venu me demander peu de temps après quand donc aurait lieu le culte. De toute évidence, il n’avait pas été convaincu par notre façon d’adorer Dieu, pensai-je. Mais après discussion, ce qui est apparu, c’est qu’il n’y avait pas culte selon lui tant que la Sainte Cène n’était pas célébrée. Tel autre collègue, de tradition réformée, à qui l’on demandait ce qui caractérisait un culte protestant de répondre sans hésitation : « Un vrai culte comporte forcément la prière que Jésus nous a enseigné, le « Notre père ». Ce petit florilège de remarques sur la question du culte est instructif : voilà cent ans que la Fédération Protestante de France existe et plusieurs dizaines d’années que la diversité de ses membres s’accentue et pourtant que de méconnaissance, sinon de jugements mutuels, marque encore nos relations ! 

Ce n’est, en un sens, pas étonnant : la célébration dominicale touche à l’intimité communautaire et nos parcours sont si divers qu’il y a, à ce propos, des distances culturelles telles qu’il faut souvent surmonter un choc pour comprendre ce que vit l’autre. J’ai eu le privilège au cours du ministère pastoral que j’ai exercé dans le Tarn de conduire les Églises, baptiste d’Albi et libre de Carmaux, dont j’avais la charge à collaborer avec l’Assemblée de Dieu du secteur. Cela nous a amené à célébrer des cultes communs qui ont soulevé quelques réactions. Imaginez un instant les temps de prière où se côtoyaient le silence ou les prières timides des libristes et l’exubérance fervente des pentecôtistes. Ce fut un véritable choc des cultures pour plusieurs dont les effets furent sensibles pendant quelques semaines dans l’exercice de mon ministère !

D’un autre côté, cette méconnaissance mutuelle est préoccupante car nous nous réclamons tous du Christ qui a ouvert le chemin d’un accès direct au Père et ainsi bouleversé radicalement la façon de l’adorer. Extrêmement codifiée par les dispositions de l’Ancienne Alliance réservée au seul peuple d’Israël, l’adoration de Dieu devient extrêmement simplifiée ou plus exactement intériorisée sous la Nouvelle Alliance qui vise hommes et femmes de toutes nations, de toutes langues, de toutes tribus … et de toutes générations ! C’est le sens de l’affirmation proprement extraordinaire que Jésus fait à la Samaritaine et qui sera suivie d’événements significatifs : le voile du Temple déchiré lors de la crucifixion, le Temple de Jérusalem détruit en 70 et donc les sacrifices arrêtés… Sur cette base, permettez-moi de plaider quelques instants pour la liberté des cultes - non pas celle dont nous fêtons aussi le centenaire - mais celle des formes de cultes que nous vivons en pratique et avons bien de mal à apprécier. Je vous propose un petit parcours commenté de la richesse de nos expressions culturelles !

1- Des lieux significatifs… mais non décisifs

C’est par la question du lieu de l’adoration que la femme samaritaine aborde le problème de la spiritualité entre juifs et samaritains. Et c’est aussi par le lieu de culte que passent nos premières impressions à propos de l’autre Église : l’austérité des temples réformés dans les Cévennes d’une part et le désordre voire le peu de soin apporté à certaines « salles »  évangéliques d’autre part sont par exemple des aspects qui surprennent les visiteurs occasionnels de ces lieux… En fait, nos lieux de rencontre disent quelque chose de notre relation à Dieu et à autrui et il faut apprendre à décrypter ce langage pour comprendre ce qui a ou ce qui a eu de l’importance dans la vie de la communauté visitée. Les chaires souvent haut perchées des Églises réformées disent quelque chose de la centralité accordée à la prédication, la localisation du baptistère souvent sur ou dans l’estrade dans les Églises évangéliques dit bien l’importance accordée à ce sacrement, l’équipement musical qui envahit les estrades (micros, clavier, batterie,…) indique l’importance accordée à une certaine forme de louange…

En même temps, le lieu physique de nos rencontres dominicales n’est pas décisif ou ne devrait pas l’être sur le plan de la foi. «L’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne, ni à Jérusalem que vous adorerez le Père » (Jn 4.21) annonce un changement radical, une révolution « copernicienne » en ce domaine qui vaudra bien des haines à Jésus et sera cause au moins en partie du martyr d’Étienne (cf. Ac 7).

Inconsciemment nos usages et notre vocabulaire trahissent un retour à une localisation de la présence de Dieu. Ainsi en est-il de cette façon de parler de notre temple ou de notre église comme de la « Maison de Dieu ». Insensiblement nous "reconstruisons" ainsi des lieux sacrés qui mettent une barrière, un voile entre Dieu et nous, qui tentent de "domestiquer" Dieu, de limiter son action et, pire encore, qui peuvent exclure des hommes et des femmes sous prétexte de respect du sacré. L’exemple le plus fréquent et le plus affligeant, c’est l’exclusion des enfants de nos salles de culte au motif qu’ils sont bruyants et qu’en de tels lieux leur agitation n’a pas sa place. Cette conception d’un « sanctuaire » silencieux est la meilleure manière de décourager les jeunes familles à rejoindre nos communautés !

Le double mouvement de la compréhension de la signification de nos lieux de culte en même temps que de leur relativisation est utile pour garder à l’esprit que l’essentiel est ailleurs en matière d’adoration de Dieu.

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