Jean était un athée plutôt militant. Issu du monde des métalleux, il ne s’est rendu à notre culte que par amour pour une femme de l’assemblée. Ce jour-là, nous avions un culte spécial qui abordait le lien entre Jésus et Marie-Madeleine. Le film tiré du roman Da Vinci Code était projeté dans toutes les salles et je venais de publier Le mariage de Jésus(1). Ce culte visait à équiper l’Église dans ses discussions, et à donner quelques repères aux non-chrétiens qui passeraient par là. Jean ne s’est pas converti immédiatement. Mais la prédication, prenant en compte les opinions courantes et présentant de façon cohérente les données de l’Écriture, a commencé le travail de sape de ses convictions anti-chrétiennes.
Vincent s’est rendu dans notre assemblée à un moment douloureux de son parcours. Études supérieures, engagement professionnel exceptionnel, il était le conseiller des experts de sa profession, avec accès direct aux ministres de tutelle. L’environnement chaleureux de l’assemblée et l’attachement à un exposé systématique de l’Écriture l’a interpellé. Il ne s’est pas converti pendant une prédication, mais c’est clairement cela qui l’a conduit à suivre notre parcours découverte(2).
Dans les deux cas, la grâce souveraine de Dieu s’est plu à utiliser le culte, et notamment la prédication, pour défaire quelques nœuds d’opposition ou d’a priori à l’encontre des évangéliques et de la foi chrétienne. Inspirée par l’Esprit (2 Tm 3.16), la Parole du Christ est intrinsèquement capable de faire naître de nouveau (cf. 1 P 1.23, Jc 1.18), de tenir en joue les mensonges qu’elle entend balayer.
L’objet de cet article est d’explorer des pistes concrètes qu’un prédicateur peut employer pour développer son apologétique lors des prédications.
I. Clarifications
Je propose de comprendre la prédication comme « la proclamation d’un texte de l’Écriture, analysé dans son contexte pour en déduire le sens. Ce sens devient le thème principal du message qui sera énoncé en fonction d’un auditoire déterminé en vue de son salut et de sa croissance(3). »
La prédication d’évangélisation serait la proclamation d’un texte riche en notions liées à l’Évangile(4), dont l’essence est la personne même de Jésus-Christ. Cet Homme par excellence, ce Dieu incarné, invite à un changement fondamental de nos vies, associé à une confiance exclusive et loyale en lui. Il est le médiateur exclusif avec le Père ; il est seul capable de sauver, de réparer, de rassasier et d’orienter nos vies défaillantes.
Cette prétention universelle du christianisme passe mal auprès de nos contemporains qui jugent peu crédibles des propos aussi « intolérants ». L’apologétique est précisément la discipline qui cherche à défendre la véracité de cette Bonne Nouvelle. Le mot apologie retranscrit un terme qui signifie une « défense présentée à(5) », un plaidoyer en faveur d’une personne (Ac 25.16) ou d’une idée, notamment celle de l’Évangile (Ph 1.7). On est dans le registre de la démonstration, de la persuasion, de la confrontation d’une erreur ou d’une calomnie, pour « induire un choix favorable(6) ». L’apologétique, en tant que discipline, touche à de nombreux domaines que nous restreindrons, pour cet article, aux seuls éléments directement liés à la prédication.
Une éthique exemplaire doit accompagner la démarche. Les apologètes doivent : 1) vivre selon Christ – l’amour et le respect de Jésus devraient se percevoir – ; 2) continuellement améliorer leur art de la défense(7)) – la spontanéité n’est ni spirituelle ni suffisante – ; 3) parler avec douceur et respect – l’insulte et le mépris n’ont aucune place :
« Mais sanctifiez dans vos cœurs Christ le Seigneur ; soyez toujours prêts à vous défendre contre quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous : mais (faites-le) avec douceur et crainte, en ayant une bonne conscience, afin que là même où l’on vous calomnie, ceux qui diffament votre bonne conduite en Christ soient confondus. » (1 P 3.15-16)
II. Cinq fondamentaux de la démarche
1. Clarifier le texte
Il y a quelques mois, lors d’une semaine de formation à la prédication avec des étudiants, j’ai écouté et corrigé 40 prédications. Certaines étaient des perles… d’autres l’étaient moins ! Je me suis amusé à considérer l’immense patience du Seigneur qui écoute chaque semaine des milliers de prédications finalement relativement approximatives de sa pensée. C’est un miracle quand un non-chrétien comprend quelque chose ! Aucun prédicateur ne l’admet suffisamment : il arrive que l’on parle de l’Évangile de façon ...