Vivre avec l’annonce du pronostic d’une maladie génétique incurable et mortelle

Extrait La mort et le deuil

Comment réagit-on quand les médecins vous annoncent que vous êtes porteur d’une maladie génétique mortelle pour laquelle ils n’ont pas de traitement ? En quoi cela modifie votre vision de la vie et votre rapport avec votre entourage. Et Dieu dans tout ça ? Voici un témoignage.

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Vivre avec l’annonce du pronostic d’une maladie génétique incurable et mortelle

Quelles ont été les circonstances de la découverte de cette maladie ?


Les circonstances, c’était un frère malade depuis pas mal de temps, mais il n’y avait pas de diagnostic posé puisque pas d’histoire connue dans la famille. J’étais présent au moment de l’annonce du résultat de son test génétique, mon frère m‘avait demandé de l’accompagner et j’ai donc su tout de suite. Évidemment j’aurais préféré ne pas savoir. C’était un poids énorme qui tombait sur les épaules de toute une famille. Mais à partir du moment où je savais, je voulais savoir pour moi, il y avait un risque sur deux pour moi. Avec mon conjoint, nous sommes convenus que je rentre dans le protocole pour savoir.

Quel a été le déroulement de ce protocole ?


Le protocole a duré pratiquement un an, avec la rencontre d’une dizaine de personnes : généticien, neurologues, neuropsychiatre, neurochirurgien, assistante sociale, psychologue. Mon épouse et moi avions à peu près un rendez-vous par mois. Au bout de 8 à 9 mois, il y a eu le test, une simple prise de sang. Techniquement le résultat du diagnostic prend quelques jours, mais le protocole impose environ deux mois après. Le temps de bien dissocier la décision de faire le test, et celle d'aller chercher le résultat.

Vous disiez que ce délai de deux mois était délibéré ?


Oui, tout est fait pour qu’à tout moment on puisse interrompre le processus. Moins d’une personne sur deux va jusqu’au bout du processus et va rechercher son test. Beaucoup de personnes passent le test mais ne vont jamais chercher les résultats. Ils savent qu’il y a la « vérité » qui est écrite quelque part et que, s’ils le souhaitent, ils peuvent y accéder. S’ils veulent attendre un enfant, ou s’ils pensent qu’ils commencent à développer la maladie et qu’ils veulent aller vérifier, là ils peuvent aller chercher le résultat. Certains disent qu'ils iront chercher le résultat le jour où il existera des solutions thérapeutiques. Nous, on était plutôt dissuadés de continuer, l’équipe médicale nous disait : « est ce que vous voulez vraiment continuer ? ». L'équipe tente de dissuader, mais ceux qui continuent malgré tout savent vraiment ce qu'ils veulent !

Il y a donc eu un discours des médecins qui vous disaient : « vous n’êtes pas obligés de savoir » ?


Oui, c’est cela, si vous arrêtez, vous n’avez pas besoin de vous justifier. La psychologue parlait du « droit de savoir », et aussi du « droit de ne pas savoir » ! Ils nous dissuadaient de continuer. Ils nous dissuadaient aussi d’en parler autour de nous pour éviter que l'entourage tire d’un côté et de l’autre et qu’on ne sache plus se déterminer soi-même, prendre sa propre décision. Ça m’a semblé très positif et très important d’être dans une sorte de « bulle » où il n’y a pas les proches, la famille, qui tirent à hue et à dia. Cette « bulle », il faut la créer autour de l'individu ou du couple.

Finalement c’est un respect du principe d’autonomie du malade


Oui, c’est garantir les conditions de l’autonomie (de l'individu ou du couple) dans quelque chose qui est extrêmement passionnel pour tout le monde. Les parents, les oncles et tantes, les cousins risquent de faire pression, veulent savoir par personne interposée si vraiment il y a cette maladie ou pas pour leurs propres raisons (craintes, angoisse, déni, envie de faire le test « par procuration »...). Dans notre entourage, personne n'était au courant que nous étions entrés dans le protocole. C’était il y a une dizaine d’années, et aujourd’hui, c’est très important pour moi de me dire : personne ne m’a influencé, c’est moi qui ai pris la décision d’aller jusqu’au bout du protocole.

Et après, comment avez-vous reçu le résultat ?


Le jour même ils demandent : est-ce que vous souhaitez avoir le résultat ou non ? Théoriquement ils nous disent qu’eux-mêmes n’ont pas encore ouvert les résultats. Pour le cas où la personne dise : « Je ne veux pas savoir », que les mêmes personnes puissent continuer à pouvoir être des interlocuteurs, sans savoir par devers eux : « ah oui, mais lui, il est atteint ou pas ». Ils ouvrent les résultats sous nos yeux. Avec le recul, je sais que, pour moi, c’était beaucoup plus difficile à vivre avant les résultats qu’après. J’étais persuadé d’être atteint et mon épouse était persuadée du contraire. Évidemment, ce n’est pas facile à vivre pour moi de savoir que j’étais atteint de la mutation génétique qui déclenche la maladie, mais pour moi, c’était invivable de ne pas savoir.


Inversement, j’ai entendu parler de cas d’énormes dépressions juste après un résultat négatif, parce que la personne culpabilise de ne pas...

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