Introduction : la diversité et les spiritualités
L’unité et la diversité : comment liez-vous ces deux mots ensemble ? Quelle conjonction mettriez-vous entre eux ? Certaines d’entre vous diraient peut-être : l’unité dans la diversité. D’autres, un peu pessimistes, diraient avec un soupir : l’unité malgré la diversité. Après tout, nous avons réussi à ne pas nous crêper le chignon pendant le week-end malgré toute cette diversité parmi nous ! D’autres encore, blessées par des divisions et des conflits douloureux, disent au fond d’elles-mêmes : « L’idéal reste quand même l’unité sans toute cette diversité ».
Dans le texte d’Éphésiens 4.11-16, il me semble que l’apôtre Paul parle de l’unité par la diversité :
C’est lui qui a donné les uns comme apôtres, d’autres comme prophètes, d’autres comme annonciateurs de la bonne nouvelle, d’autres comme bergers et maîtres, afin de former les saints pour l'œuvre du ministère, pour la construction du corps du Christ, jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’homme adulte, à la mesure de la stature parfaite du Christ. Ainsi nous ne serons plus des tout-petits ballottés par les flots et entraînés à tout vent d’enseignement, joués et égarés par la ruse et les manœuvres des gens ; en disant la vérité, dans l’amour, nous croîtrons à tous égards en celui qui est la tête, le Christ. C’est par lui que le corps tout entier, bien coordonné et uni grâce à toutes les jointures qui le desservent, met en œuvre sa croissance dans la mesure qui convient à chaque partie, pour se construire lui-même dans l’amour.
En effet, ce texte suggère que ces différences sont nécessaires, essentielles dans la croissance de chacun et dans la croissance de la communauté chrétienne dans son ensemble. Pour prendre un exemple culinaire : quand je fais un gâteau, je ne le fais pas malgré la farine ou malgré les œufs. La saveur finale du gâteau n’est possible que dans l’intégration des différents ingrédients. Je le fais par ou grâce à un mélange d’ingrédients. Comme d’ailleurs bien souvent les grands vins sont le produit d’un mélange de cépages complémentaires.
Mais, il est vrai que l’être humain a tendance à créer l’unité en effaçant les différences, en excluant la présence de celui ou celle qui est différent de lui (car la différence remet en question). L’homme a tendance à vouloir transformer l’autre à sa ressemblance et à aller vers l’uniformité… ce qui donne une illusion d’unité.
Pourtant, lorsque Dieu crée l’unité, il le fait par la diversité. Nous voyons ceci, premièrement, dans sa propre nature : un seul Dieu en trois personnes (Père/Fils/Saint-Esprit). Nous le voyons aussi dans le corps humain, dans la nature qui nous entoure et bien sûr dans la Bible. La Bible contient 66 livres très différents, de genres littéraires différents, écrits par des auteurs très différents, à des moments différents de l’histoire humaine. Alors, la Bible est-elle un superbe « méli-mélo » ? Non, il y a une unité qui est basée sur ce que Dieu fait dans l’histoire humaine. L’unité de la Bible est créée par la diversité de chaque récit. En regardant comment Dieu crée l’unité, nous sommes amenés à constater qu’une vraie unité donnée par l’Esprit comporte nécessairement la diversité. Les différents aspects d’une entité ne dénaturent pas l’entité. Au contraire, ils la constituent.
C’est sur la base de ces considérations que j’aimerais évoquer les différentes spiritualités chrétiennes. En matière de spiritualité, il n’y a pas de taille unique comme pour les vêtements. Il existe, à l’intérieur du christianisme, différentes manières de comprendre et de vivre notre relation avec Dieu, de vivre fidèlement en réponse à cette révélation de Dieu en Jésus-Christ. C’est ce que nous appelons la spiritualité. Chaque courant de spiritualité a ses accents particuliers, ses forces et ses faiblesses. Et chacun trouve ses racines dans la Bible.
Si nous visualisons les « familles chrétiennes » comme un gâteau, nous le coupons, d’habitude, en parts verticales : catholiques, orthodoxes, protestants (réformés et luthériens) et les milieux évangéliques. Je propose pourtant de couper le gâteau différemment. J’aimerais le couper en parts horizontales, car les courants de spiritualité dont nous parlerons se retrouvent dans toutes ces familles chrétiennes de manière transversale, non seulement aujourd’hui, mais aussi à travers leur histoire.
Dans ce qui suit, mon but ne sera pas de parler de chacune de ces « familles chrétiennes » ou des systèmes doctrinaux qu’elles représentent, mais d’aborder les différents courants de spiritualité qui les traversent. J’en décrirai donc cinq parmi les plus manifestes, avec leurs accents, leurs points forts et leurs pièges possibles(1). Bien sûr, et heureusement, il existe des croisements d’influences entre ces courants, des mélanges avec des goûts différents. Nous ne sommes jamais purement dans l’un ou dans l’autre. Il s’agit de mélanges avec des saveurs et des accents différents. Cependant, chacun(e) de nous possède un courant plus central dans notre spiritualité.
Pour chaque courant, je donnerai :
• Un exemple biblique (car nous voyons déjà cette diversité à l’intérieur du Nouveau Testament),
• Des exemples historiques et contemporains,
• Les points forts (des perles à offrir aux autres),
• Les dangers potentiels (mais j’essaierai, pour chacun, de donner autant de « perles » que de « pièges »).
Je ne prétends pas définir toutes les qualités et tous les défauts des différents courants de spiritualité. Qui suis-je pour le faire ? Mon but, en décrivant quelques points forts et quelques travers possibles propres à chaque spiritualité, est d’abord de mettre en avant l’évidente richesse de ces différentes spiritualités dans le corps de Christ. Ensuite, mon but est de...