Les 5 et 6 février 2007, le Département de Missiologie Urbaine de l’Institut Biblique de Nogent a organisé une consultation sur le thème Viv(r)e la diversité culturelle dans l’Église (!). Le nombre de participants a dépassé toute attente, preuve que les organisateurs avaient « tapé dans le mille » en choisissant le thème de la multiculturalité.
« Le titre comportait, subtilement, une question », selon Thierry Huser, dans sa synthèse de la consultation. « Une question cachée dans le seul ‘R’ qui distingue entre vive la diversité et vivre la diversité. Le passage d’une formulation à l’autre peut se lire dans les deux sens. Le passage de Vive ! à vivre dit le chemin qu’il faut parcourir à partir des grands principes, spirituels ou républicains, qui chantent la diversité, pour se confronter, aussi, aux exigences concrètes de cette diversité - et cela ne se fait pas d’un coup grâce au Saint-Esprit ! Dans l’autre sens, le passage du vivre au Vive !, dit la nécessité de ne pas s’enliser dans le vivre d’aujourd’hui, et le besoin d’avancer, de bâtir, portés par les perspectives du dessein de Dieu, pour aller vers la découverte et la reconnaissance du Vive la diversité culturelle !(1) »
Toute la problématique est là. Comment s’édifier réciproquement dans une communauté où l’on se heurte à des idées différentes, à des malentendus, à des préjugés, à des images et à des blessures, qui sont d’autant plus tenaces qu’ils relèvent de la culture dans laquelle et par laquelle les uns et les autres ont été façonnés ? Comment prier, construire, et témoigner ensemble ?
Lors des séances du colloque, plusieurs témoignages ont été entendus de la part d'Églises dites multiethniques qui réussissent à vivre leur diversité. Mais pas sans problèmes. La question se pose : n’est-il pas plus sage, pour ne pas dire plus facile pour des croyants de se retrouver dans des Églises d’une même culture, franco-française, ou antillaise, ou encore congolaise, brésilienne, coréenne ? En effet, le nombre grandissant des Églises dites ethniques, issues de l’immigration, semblent donner raison à cette approche. Mais elles n’échappent pas aux tensions de la diversité culturelle non plus, du fait qu’elles accueillent des fidèles d’autres Églises et d’autres cultures, et surtout du fait que leurs membres vivent dans une société qui a du mal à vivre sa multiculturalité.
« Il ne suffit pas d’envisager les diversités culturelles en termes de relations entre chrétiens au sein du peuple de Dieu », écrit Thierry Huser dans sa synthèse du colloque, « il faut intégrer aussi dans la réflexion ce qui est vécu dans la vie de tous les jours, dans le monde, par nos frères et nos sœurs de couleur ou d’origine différentes. On ne peut pas en faire l’économie : c’est six jours sur sept, au moins ! On touche alors aux réalités de la discrimination, du racisme, de certaines exclusions sociales, qui s’ajoutent, douloureusement, aux réalités de l’histoire et des racines »(2).
Ainsi, et tout naturellement, une deuxième problématique s’est invitée dans les échanges, celle de la société, du contexte de l’Église. « Impossible aujourd’hui d’éluder les questions et les difficultés que pose la réalité de la multiculturalité sociale ! En particulier en région parisienne où, au sein même de plusieurs Églises, les ‘Gaulois’ – entendons les Blancs de la métropole – sont minoritaires. Ici en particulier, la sagesse est nécessaire, sachant que la façon dont l’Église vit sa multiculturalité est en soi un témoignage »(3).
Afin d’approfondir les échanges dans ce domaine-là, le Département de Missiologie Urbaine a organisé une deuxième consultation, les 9 et 10 février 2009, sous le thème : La mission de l’Église dans une société multiculturelle.
A part les réflexions bibliques sur ce sujet, les participants ont pu écouter plusieurs témoignages sur la façon dont des frères et sœurs mettent en œuvre la mission chrétienne dans des situations multiculturelles particulières aujourd’hui. Le travail d’un prêtre salésien et sa communauté, ou d’un major de l’Armée du Salut et ses coéquipiers, dans des quartiers dits sensibles, les uns auprès des adolescents, les autres auprès des enfants. La présence d’un aumônier dans un hôpital français accueillant des migrants, qui représentent 90 ethnies différentes, et qui parlent 40 langues au quotidien, dans un endroit marqué par une très grande pauvreté et par la violence. L’expérience d’un pasteur anglican et sa paroisse à Birmingham, qui se veulent témoins du Seigneur, en actes et paroles, dans un environnement marqué par une grande pluralité ethnique et religieuse, au sein d’une population majoritairement musulmane.
Un livre sur deux réalités
Revenons sur les deux colloques. Vu l’importance de la thématique, la qualité des exposés, et la richesse des échanges, le Département de Missiologie Urbaine (DMU) a souhaité publier les textes les plus importants avec les synthèses des deux consultations. Ce projet a malheureusement pris du retard, pour des raisons d’organisation. Mais une solution fut trouvée quand le comité de rédaction des Cahiers de l’École Pastorale a proposé de publier une collection de ces interventions, dans un numéro hors série des Cahiers.
Les différentes parties – le DMU, le comité de rédaction, Croire Publications, et l’éditeur des Cahiers – sont tombées d’accord pour en faire un livre, de façon à favoriser une diffusion plus large. Par la suite, j’ai été chargé de préparer cette publication, de faire une sélection des textes disponibles, et de les adapter. Le résultat est le livre que vous avez sous vos yeux.
Le titre, Églises face à la multiculturalité, renvoie à deux réalités : à la diversité culturelle au sein des Églises, et à la société multiculturelle dans laquelle les Églises ont vocation à être des témoins du Seigneur.
Chacune de ces réalités est complexe, et chacune pose ses propres problèmes. Dans les chapitres qui suivent, nous abordons ces deux réalités tour à tour.
Collection de textes de différents auteurs, ce livre est le fruit d’une diversité réunie. Que l’ensemble de ces réflexions puisse vous aider à mieux vivre la diversité culturelle dans l’Église, à créer des liens dans un monde divisé, et à communiquer l’Évangile de Celui qui est le seul à pouvoir réunir toutes les langues, toutes les ethnies et toutes les cultures.
Evert Van de Poll