Quand les gens sont préoccupés, ils sont incapables de capter la beauté qui est là et qui les entoure. Quand ils vaquent à leurs occupations pour gagner leur vie, ils sont sourds et aveugles aux merveilles de la vie.
Pour preuve, une expérimentation de la rédaction du prestigieux journal The Washington Post. Elle a demandé à Joshua Bell, l’un des meilleurs violonistes du monde aujourd’hui, de jouer sur son Stradivarius dans un hall de métro à Washington D.C. Pendant quarante-cinq minutes, il a entonné, entre autres, la Chaconne de Jean-Sébastien Bach, une des plus belles partitions jamais écrites pour son instrument.
Un peu plus loin, un caméraman caché a discrètement filmé l’expérimentation. Regardez ce qui s’est passé (sur You Tube, Joshua Bell plays in metro) :
Pendant ces trois quarts d’heure, plus de mille personnes sont passées devant l’artiste. Seules sept d’entre elles se sont arrêtées pour écouter, pour la plupart des enfants. Impatients, leurs parents les ont vite tirés de la scène. Pas de temps à perdre !
Les passants ne se sont pas doutés un seul instant que cet homme au violon gagne mille dollars par minute quand il joue la même musique sur les grandes scènes dans le monde entier. Rien que son violon vaut plus de huit million de dollars. La veille, il avait joué dans le célèbre Concert Hall de la capitale américaine. Les billets avaient coûté plus de cent dollars.
Par contre, ce matin-là, Joshua Bell n’a finalement ramassé que quelques billets verts et pièces de monnaie, jetés dans son chapeau à même le sol, par des voyageurs trop pressés pour faire attention à la merveille musicale qui se jouait à leur insu. Trente-deux dollars en tout. Est-ce que le public dans un hall de métro parisien ou toulousain aurait été plus généreux ?
Certes, l’argent n’est pas le critère décisif pour déterminer la qualité d’une prestation artistique. Mais en règle générale, les gens sont prêts à payer plus cher ce qu’ils apprécient le plus. Toujours faut-il savoir apprécier ce qui se présente !
Cette expérience montre qu’il ne suffit pas d’être au contact d’une expression de grande beauté pour en estimer la valeur véritable. Trop souvent, nous passons à côté de la qualité des œuvres d’art que sont la création, la nature, les merveilles de la vie humaine, et les clins d’œil de la providence.
Pourtant, elles sont là, dans toute leur splendeur. Gratuitement, elles s’offrent à nos yeux, nos oreilles, nos cœurs. Patiemment, elles attendent le moment où nous nous laisserons surprendre par la grâce de leur présence.
Dans le train-train quotidien, il y a une Chaconne pour chacun.
Comment s’en apercevoir ? Comment trouver la disposition intérieure pour discerner la beauté de l’extérieur ?
La question se pose. Elle se pose à tous ceux qui se fatiguent sous le joug de la consommation, du stress, du jamais assez. Elle se pose également à nous, pasteurs et responsables dans les Églises, quand notre ministère devient un fardeau, une routine, ou que sais-je encore.
Il faut s’arrêter de temps en temps et changer de posture. Recevoir au lieu de produire. Écouter au lieu de parler. Se laisser nourrir au lieu de toujours chercher à nourrir les autres. Se laisser éveiller par le Seigneur et sa Parole.
Les moments et occasions peuvent varier. L’essentiel est de trouver cette ouverture de cœur qui nous rendra attentifs à ce qui est vrai, honorable, juste, pur, aimable, vertueux et digne de louange. Elle nous permet d’écouter la belle musique quand elle se produit.
Dans la vie, il y aura une chaconne.
Nous l’accueillerons comme un cadeau.
Mais si c’est un cadeau, cela veut bien dire qu’il provient d’une source et d’une bonté. Ainsi la Chaconne que j’entends devient un reflet de la beauté suprême dont elle découle.
Alors, je vais dire « merci ». Ce mot est une prière en soi, elle me met en relation avec le Père des lumières dont nous parvient tout don parfait.
Que la lecture de ce cahier puisse être un moment de ressourcement. Que les articles, soigneusement préparés, vous aident à servir le Seigneur, avec un cœur toujours attentif à la beauté de sa présence.
Evert Van de Poll