8 novembre 1992. Inauguration de la statue de Lefèvre d’Etaples
A Etaples-sur-Mer on honore Jacques Lefèvre (v 1450-1536). Outre un boulevard qui porte son nom, une plaque installée sur sa maison natale, aujourd’hui agence bancaire sur la place principale, un buste en bronze a été installé et inauguré le 8 novembre 1992 (dans le cadre d’un colloque organisé par la ville) dans la cour du musée Quentovic.
Nombreux sont encore aujourd’hui les habitants d’Étaples à ne pas connaître Jacques Lefèvre d’Etaples. L’histoire semble avoir davantage retenu les actes et écrits de cet homme plutôt que ses traits de caractère ou les anecdotes de sa vie.
Des premières années du jeune Jacques, on sait ainsi peu de choses. Du reste de sa vie, guère plus. Jacques Lefèvre d’Étaples a voué son existence à l’humanisme et au travail sur des textes religieux, posant ainsi les fondements de la Réforme. Il n’est pas possible de savoir quand exactement est né Jacques Lefèvre (1450?1455?) car le contexte de la seconde partie du 15e siècle est connu pour être particulièrement délicat.
Étaples, 1 500 habitants environ à l’époque, fait alors partie des communes de Picardie. On y parle… picard. La pêche, la culture constituent le quotidien des habitants du bourg. Comment un enfant né dans un petit port de pêche a-t-il cheminé intellectuellement, culturellement, religieusement vers un destin universel ? De nombreux historiens se sont penchés sur le jeune homme discret qui, au regard de son appétit intellectuel, bénéficia d’une bourse pour aller étudier à Paris.
Tout naturellement, il fut accueilli par des élèves du diocèse de Thérouanne, au collège de Boncourt dans le quartier latin.
Le Collège de Boncourt, fondé en 1353 par Pierre de Becoud, seigneur de Fléchinelle, gouverneur de l’Artois et conseiller du roi, qui donna la maison qu’il possédait, pour l’enseignement de huit écoliers du diocèse de Thérouanne (actuellement le Pavillon Boncourt, est le siège du ministère de l’enseignement supérieur et de la Recherche).
L’Étaplois connaissait le latin, le grec et même l’hébreu ce qui lui permit de lire et d’étudier avec minutie les textes des Saintes-Écritures et des auteurs de l’antiquité. Un travail mené avec passion mais pas pour lui-même uniquement, comme en atteste une correspondance avec plusieurs grands de son époque, à commencer par Érasme.
En 1507, Lefèvre d’Étaples (alias Jacques ou Jacobus Faber) croise la route d’un homme à qui il restera lié indéfectiblement : Guillaume Briçonnet, alors évêque de Lodève (Lozère) qu’il suivra à Meaux. Là, en 1520, celui qui est devenu l’évêque de Meaux crée avec son ami « Le Cénacle de Meaux », dont l’objectif était d’améliorer la formation du clergé. Lefèvre étudie donc et écrit. Beaucoup.
Le 15 décembre 1512, l’imprimerie d'Henri Estienne à Paris publie le Commentaire de Lefèvre sur les Épîtres de saint Paul. Dans cet ouvrage, Lefèvre montrait la voie sur la justification par « la foi seule », bien que ce qu’il entendait par là ne soit pas clair, car il enseignait également que tout païen sans Christ qui faisait le bien selon sa connaissance du bien et du mal serait sauvé. Luther a basé ses cours sur ceux de Lefèvre. Lefèvre lisait avec plaisir les écrits de plusieurs réformateurs et sympathisait avec leur mouvement. « Ô bon Dieu, avec quelle joie ! J'exulte lorsque j'apprends que la grâce de connaître le Christ dans la pureté se répand dans une bonne partie de l'Europe », écrivait-il en 1524.
Les théologiens de la Sorbonne a trouvé onze « erreurs » dans le commentaire de Lefèvre sur les Évangiles. Convoqué au Parlement de Paris pour en répondre en 1525, le savant s'enfuit à Strasbourg. Plus tard, il revient en France sous la protection de François Ier et de Marguerite d'Angoulême, reine de Navarre.
Parmi la cinquantaine d’ouvrages qu'il a écrit on peut citer, "Epîtres et évangiles pour les 52 dimanches de l’an" (1525). Et surtout, la traduction de la première Bible en français (mais d'après la Vulgate), le Nouveau Testament en 1523 et l’Ancien Testament en 1528.
Son disciple et élève, Guillaume Farel, alla, lui, beaucoup plus loin que son maître. Ce fut Farel qui joua un rôle de première importance dans l'établissement de la Réforme en France et en Suisse. Il retint notamment Jean Calvin, un autre picard, à Genève.
La fin de la vie de Lefèvre d’Étaples se passa à Nérac, près d’Agen, où Marguerite d’Angoulême l’avait convié.
Dans la plus grande discrétion, il a marqué son siècle. En humaniste, il est considéré comme celui qui influença la Réforme. Lefèvre est décédé à Nérac en 1536 et est enterré au château.
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Source :
-article Voix du Nord
-Musée Jean Calvin, Noyon, « Humanistes chrétiens et Protestants de Picardie au 16e siècle », 2009, p 15.