2 mai 1676. Mary Rowlandson et le premier "best-seller" américain
Les Amérindiens capturent Mary Rowlandson (1637- 1711) et ses trois enfants pendant la guerre du roi Philippe dans le Massachusetts et les retiennent contre une rançon. Cinq ans plus tard, elle écrira le premier « récit de captivité » qu'elle intitule "La souveraineté et la bonté de Dieu : un récit de la captivité et de la restauration de Mme Mary Rowlandson ».
Le livre a été imprimé à quatre reprises en 1682 et a attiré un lectorat à la fois dans les colonies d’Amérique et en Angleterre, ce qui a conduit certains à considérer le livre comme le premier "best-seller" américain.
Mary est née en1637 en Angleterre. La famille quitta l'Angleterre quelque temps avant 1650, et s'installa à Salem dans la baie du Massachusetts puis à Lancaster, à la frontière du Massachusetts. Là, elle épousa le pasteur Joseph Rowlandson, en 1656. Quatre enfants naquirent entre 1658 et 1669, leur première fille mourant jeune.
Au lever du soleil du 10 février 1676, pendant la guerre du roi Philippe, Lancaster fut attaqué par les Indiens Narragansett, Wampanoag et Nashaway/Nipmuc dirigés par Monoco. Mary Rowlandson et ses trois enfants, Joseph, Mary et Sarah, faisaient partie des personnes capturées lors du raid.
Sarah, la fille de 6 ans, a succombé à ses blessures après une semaine de captivité. Pendant plus de 11 semaines, Mary Rowlandson et ses enfants restants ont été forcés d'accompagner les Indiens alors qu'ils voyageaient à travers le désert pour effectuer d'autres raids et échapper à la milice anglaise.
Les conditions de leur captivité sont racontées avec d’apres détails dans le récit de captivité de Mary Rowlandson. Le 2 mai 1676, Mary Rowlandson a été rachetée pour 20 £, la somme ayant été rassemblée par les femmes de Boston dans le cadre d'une souscription publique.
En 1677, le pasteur Rowlandson a déménagé avec sa famille à Wethersfield (Connecticut), où il a été installé comme pasteur en avril. Il mourut à Wethersfield en novembre 1678. Les responsables de l'Église accordèrent à Mary une pension de 30 £ par an.
Mary Rowlandson et ses enfants ont ensuite déménagé à Boston, où on pense qu'elle a écrit son récit de captivité. Il a été publié à Cambridge (Massachusetts), en 1682, et à Londres la même année. Le 6 août 1679, elle épouse le capitaine Samuel Talcott. Elle mourut le 5 janvier 1711.
La souveraineté et la bonté de Dieu
Le récit autobiographique de Mary Rowlandson sur son enlèvement et sa rançon est considéré comme un classique du genre narratif américain sur la captivité. Elle y raconte comment elle a été témoin du meurtre de sa famille et de ses amis. Lors de sa capture, elle a voyagé avec sa plus jeune fille Sarah, décédée en cours de route. Mary et ses deux autres enfants survivants ont été gardées séparément et vendues, jusqu'à ce qu'elle retrouve finalement son mari après le paiement de leur rançon.
Bien qu'elle injuriait les Indiens, Mary Rowlandson explique que "aucun d'entre eux n'a jamais produit le moindre abus d'impudicité en paroles ou en actions", ce qui signifie que les indiens ne l'ont jamais agressée sexuellement ou violée.
Sa foi puritaine l'a aidée à donner un sens à son épreuve. Tout au long du récit de sa captivité, l'influence centrale de la pensée puritaine est affichée à travers l'utilisation de citations bibliques qui fonctionnent pour renforcer ses descriptions : punition et rétribution, ténèbres et lumière, bien et mal.
L'utilisation abondante des Écritures tout au long du récit montrent qu’elles ont souvent été une source de force et de réconfort pour Mary Rowlandson. Les leçons et les enseignements qu’elle transmet démontrent sa foi et sa conviction que la grâce et la providence de Dieu façonnent les événements du monde. Par exemple, lorsque Mary Rowlandson ne savait pas où étaient ses enfants (ou même s'ils étaient vivants), elle a déclaré : « Et ma pauvre fille, je ne savais pas où elle était, ni si elle était malade, morte ou bien vivante. Je m’en suis remis alors à ma Bible (ma grande consolation) et cette promesse m’a été donnée : « Rejette ton fardeau sur le Seigneur, et Il te soutiendra » (Psaume 55. 22).
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EXTRAITS
« Nous avons continué notre voyage. J'ai reçu une poignée d'arachides, pour me soutenir ce jour-là, ils m'ont donné ma charge, et j'ai continué gaiement (avec
l'idée de rentrer chez moi), ayant mon fardeau plus sur le dos que sur mon esprit. Nous sommes venus à la rivière Banquang ce jour-là, près de laquelle nous avons demeuré quelques jours. Parfois l'un d'eux me donnait une pipe, un autre une peu de tabac, un autre un peu de sel : que je changeais pour quelque denrée.
Je pense encore à l'appétit de loup qu’on éprouve dans un tel état de famine; car à plusieurs reprises quand ils m'ont donné ce qui était chaud, j'étais si gourmande, que je me brûlais la bouche, à ce point que cela me dérangerait encore quelques heures après, et pourtant je refaisais vite la même chose. Et après j'étais comme complètement affamée, je n'ai jamais été rassasiée par la suite. Car même si parfois il m’est arrivé, que j'ai assez à manger jusqu'à ce que je ne puisse plus rien avaler, je demeurais cependant aussi insatisfaite qu’au début du repas.
Et maintenant je peux voir que cette arole des Écritures est vraie (il y a beaucoup de passages des Ecritures auxquels nous ne prêtons pas attention ou que nous ne comprenons pas jusqu'à ce que nous soyons affligés) : "Tu mangeras et tu ne seras pas rassasié" (Michée 6. 14). J’ai pu voir plus que jamais auparavant, les misères que le péché nous a apporté.
A plusieurs reprises, j’étais prête à m’emporter contre ces païens, mais cette parole des Écritures m’apaisait de nouveau : « Arrive-t-il du mal dans une ville, sans que l'Éternel n’en soit l’auteur ? » (Amos 3. 6).
Le Seigneur, m’a aidé à faire une juste expérience de sa parole, pour que je puisse
apprendre cette grande leçon: "Il t'a montré (Oh Homme) ce qui est bon, et que te demande le Seigneur, sinon d'agir avec justice et d'aimer la miséricorde, et de marcher humblement avec ton Dieu? Écoutez l’annonce du châtiment et celui qui l’a décrété " (Michée 6. 8-9) ».
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« Le 10 février 1675, les Indiens arrivèrent en grand nombre à Lancaster : leur première venue arriva au lever du soleil ; nous avons entendu le bruit de quelques fusils, nous avons regardé : plusieurs maisons brûlaient et la fumée montait au ciel. Cinq personnes ont été prises dans une maison; dont le père, et la mère et un enfant qui allaitait, ils en ont frappé deux à la tête;
ils prirent les autres, et les emportèrent vivants. Il y en avait deux autres,
qui, étant en dehors à une certaine occasion, ont été attaqués; l'un a été frappé à la tête, l'autre s'est échappé ; il y en avait un autre qui en courant a été blessé par balle et est tombé; il les a supplié de le laisser en vie, en leur promettant de l'argent (comme ils me l'ont dit) mais ils ne l'ont pas écouté, mais l’ont frappé à la tête, l’ont déshabillé et ont ouvert ses entrailles. Un autre, voyant beaucoup d'Indiens autour de sa grange, s'aventura à en sortir, mais a été rapidement abattu. Il y avait trois autres qui ont été tués; les indiens en montant sur le toit de la grange, ont eu l'avantage de pouvoir tirer sur eux par dessus leur fortification. Ainsi continuèrent ces misérables meurtriers, brûlant, et détruisant tout devant eux ».
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Source :
« Captive des indiens, récit d’une puritaine de Nouvelle-Angleterre, enlevée en 1675 ». Mary Rowlandson, Les Editions De Paris - Max Chaleil , 1995.