1er août 1794. Libération de La Harpe
Disciple de Voltaire, Jean-François de La Harpe (1739-1803) a accueilli la Révolution avec une certaine sympathie. Se disant «dans le sens de la Révolution et de la Constitution», il est favorable au régime monarchique et, après la mort du roi, ses déclarations violemment patriotiques et parfois républicaines semblent être plutôt des mesures de prudence que des professions de foi. En décembre 1793, comme tous ses collègues du Lycée, il porte le bonnet phrygien pendant ses cours.
Arrêté comme suspect le 16 mars 1794, il est transféré à la prison du Luxembourg, puis à la maison de santé.
Là, il cherche en vain des consolations dans la philosophie athée dont il s’était fait l’ardent défenseur et tombe dans la plus profonde dépression.
On lui prête un Bible. Il lit les psaumes, les évangiles.
A mesure qu’il lit il se sent pris d’admiration, et s’écrie : « comment ? Mais je ne connaissais pas ce livre ! il contient une réponse à toutes les questions que l’homme peut se poser ; il peut e satisfaire pleinement. Jamais l’esprit d’ » l’homme n’a pu concevoir cela, ni l’exprimer ainsi. Ce livre ne peut être que divin ».
Lorsqu’il est libéré le 1er août 1794, La Harpe est chrétien.
La Harpe a raconté sa conversion dans une lettre à un ami : «... Aussitôt mes yeux se couvrent d’un nuage ; à travers ce nuage, mon imagination effrayée me représente tout à la fois l’échafaud, la mort, l’enfer… l’enfer pour toute l’éternité ! Je me prosterne et m’écrie : Mon Dieu, aie pitié de moi ! Aie pitié de moi, mon Dieu ! Je sais combien je suis coupable ; mais je connais aussi toute l’étendue de ta miséricorde. Tu vois mes larmes, mon repentir sincère ; ne dédaigne point un cœur contrit et humilié... A peine eus-je prononcé cette prière, souvent interrompue par mes sanglots, que je sentis comme un baume vivifiant couler dans mon âme ; il me parut entendre ces mots consolants : ‟Dieu vient d’exaucer ta prière, il accepte la promesse que tu lui fais ; tiens ta parole, et songe bien qu’on ne le trompe jamais impunément. »
La Harpe persévère dans ses résolutions. Lorsqu’il meurt en 1803, on trouve inachevée dans ses papiers, une Apologie de la religion. Il y insiste sur la nécessité de lire les Évangiles et les psaumes. Il cite le récit de la guérison miraculeuse de l’aveugle né (Jean 9) et s’écrie :
« Et moi aussi je crois, et je vous adore, adorable auteur et du récit et du miracle, qui, l’un et l’autre, sont de Dieu. Et moi aussi j’étais aveugle, non pas de naissance, mais d’orgueil, ce qui est bien pis ; et vous avez eu pitié de moi, et vous m’avez ouvert les yeux ; ne permettez pas, je vous en conjure, qu’ils se referment jamais après avoir vu votre lumière, ni que les malédictions de l’impiété ferment jamais ma bouche, après que vous lui avez permis de vous confesser, tout indigne qu’elle en fut toujours. »
Et il insiste : « Tout est dans ces livres divins, et le malheur le plus commun et le plus grand est de ne pas les lire... »