14 octobre 1599. Le temple de Paris à Ablon-sur-Seine
L’édit de Nantes interdisait, en son article 10, les lieux de culte protestant à moins de cinq lieues des villes où il y avait un siège épiscopal (cas de Paris). Les temples utilisés par les parisiens furent, dans l'ordre chronologique : Grigny, Ablon, Charenton.
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I. Grigny
En attendant la fixation définitive de leur lieu de culte, les protestants de Paris se réunissent encore, à Grigny, en ce tournant de siècle, dans la grande salle du château seigneurial mise à leur disposition par leur fervent coreligionnaire Josias Mercier dans le petit village isolé de Grigny, situé à six lieues du parvis de la Cathédrale Notre-Dame de Paris, soit une lieue de plus que les cinq alors prescrites.
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II. Ablon
Les guerres de Religion projettent Ablon dans une célébrité passagère. Protestant, le seigneur du Chatel, François de Lobéran, peut y établir de 1599 à 1606 le seul temple autorisé en région parisienne.
Au début du 17e siècle, Ablon accède à la célébrité grâce à son temple protestant dont la création est autorisée par le roi Henri IV (Lettres Patentes du 14 octobre 1599, publiées le 12 novembre 1599).
Construit vers 1601-1603 à droite du châtel, il peut accueillir, selon les estimations de Jacques Pannier, mille à deux mille personnes.
Les cultes et réunions s'y déroulent alors au rythme des arrêts des coches d'eau et des vicissitudes du temps.
Malgré la distance moindre, ce choix ne satisfait pas les protestants. Le chemin de terre à parcourir reste long et éprouvant pour les habitants réformés de Paris qui se déplacent le plus souvent à pied, et la voie fluviale empruntée par les plus fortunés qui utilisent le coche d’eau peut s'avérer dangereuse. Le voyage est pénible par temps de grand froid ou de grand soleil, périlleux pour les nourrissons amenés au baptême (40 décès en 1600, selon les huguenots) et, de plus, inenvisageable pour les vieillards, malades, femmes enceintes et enfants.
Baptêmes et mariages des Grands de la Cour marquent la communauté protestante réunie au temple d'Ablon. Parmi ceux-ci figurent, parmi bien d'autres, le baptême en 1602 Louise de Béthune la fille de Sully. La célébration du mariage en 1605 du duc de Rohan cousin germain du roi, avec une autre fille de Sully.
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Les louanges d’Ablon (vers 1600)
1. Ablon petit hameau que ce bel œil du monde
Voit sur le bord de l’eau près la Seine profonde
2. Où les jours de repos le Fils de Dieu appelle
Pour ouïr ses propos son épouse fidèle
3. Hameau délicieux où mon âme ravie
Mange le pain des cieux et boit de l’eau de vie
4. Il faut que par mes vers ton nom et ta mémoire
Vole par l’univers et triomphe ta gloire
5. Que d’une ferme foi se chantent les louanges
Du Christ souverain roi des hommes et des anges ;
6. Qui a voulu quitter une ville superbe
Pour venir habiter en ces déserts sur l’herbe.
7. Dessous ces petits toits en ces vignes et roches
Loin des peuples et rois et du bruit de leurs cloches
8. Car comme le berger aime toujours l’ombrage
De son petit verger et l’air de son village…
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27. Puisque le Roi des cieux a choisi pour y mettre
Son char victorieux ses armes et son Sceptre
28. Ayant vaincu la mort, la mort dis-je éternelle
Qu’il a prise en son fort et en sa citadelle
29. Et ayant fait captif le dragon et la bête
Et son fils adoptif qui porte triple crête.
30 N’es tu pas l’Arche où Dieu nous sauve par miracles
Et l’Arche, et le saint lieu où Dieu tient ses oracles !
31. Car de fait tu nous sers d’une sûre conduite
Comme l’Arche au désert au peuple Israélite
32. Et tu as dedans toi, la verge tant exquise
Et la manne et la loi qui en l’Arche fut mise.
33. C’est la protection, la nourriture bonne
Et sainte instruction que Jésus-Christ nous donne.
34. D’autre part on y voit la figure parfaite
De l’Arche qui servait à Noé de retraite
35. Quand son bateau couvert sur la Seine nous porte
Où Christ nous a ouvert du ciel l’Arche et la porte.
36. Et où il nous amis, à l’abri de l’orage
Ayant des ennemis, adouci le courage.
37. Or comme l’Arche fut, sauvée par le déluge
Lorsque Dieu y reçut, son Eglise à refuge
38. Comme sauvée encor, fut recevant l’Église
La petite Segor près de Sodome assise
39. Et sauvé fut Pella pauvre ville ancienne
Quand Dieu y appela son Eglise chrétienne.
40. Ainsi Dieu te tiendra, Ablon dessous son aile
Quand son ire viendra sur le peuple infidèle
41. Mais c’est o toi grand nef, errante et vagabonde
Qui adore ce chef et ce faux dieu du monde
42. Qui est pleine d’excès, d’orgueil et d’ignorances
De deuil et de procès, le fléau de la France.
43. Tu n’éviteras pas la vengeance divine
Qui talonne tes pas pour te mettre en ruine.
44. Tu n’auras pas secours de ton aveugle tourbe
Qui te conduit toujours au profond de la bourbe.
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III. Charenton, (commune actuelle de Saint Maurice)
Sur requête des réformés parisiens — soutenus par Sully qui se rendait chaque dimanche au temple d'Ablon — la construction d’un nouveau temple à Chatrenton plus proche de Paris est autorisée, mise en chantier et achevée en 1606.
Un premier édifice fut construit en 1607 sur les plans de Jacques Androuet Du Cerveau avec les matériaux du temple d'Ablon. Ayant été détruit en 1621 par un incendie, un second édifice fut reconstruit, sur les plans de Salomon De Brosse, avec une contenance de 4.000 places.
Il fut démoli du 23 au 28 octobre1685 suite à la révocation de l'édit de Nantes.
Un cimetière protestant du 17e siècle y a été découvert en 2005.