11 avril 1567. Ligier-Richier
L’on sait peu de choses sur les débuts de Ligier Richier, né à Saint-Mihiel (Meuse), dans le duché de Lorraine, alors indépendant de la Couronne de France, où il s’est marié.
L’on ignore les conditions de sa conversion au protestantisme.
En 1560, il signe, avec d’autres Samiellois, une pétition adressée au duc Charles III afin d’obtenir le libre exercice de la religion réformée. Les ordonnances publiées contre l’hérésie par l’évêque de Verdun , après le Concile de Trente, le conduisent probablement à quitter le duché. Au début de 1564, il réside encore en Lorraine mais en octobre 1564, il se trouve à Genève où il a rejoint sa fille Bernardine, épouse de Pierre Godart, qui a quitté la Lorraine « pour cause de religion ».
Ligier Richier serait mort à Genève dans les premiers mois de l’année 1567 (l’acte de partage de la succession du notaire Ragueau est datée du 11 avril 1567), en laissant une fortune conséquente.
La Mise au tombeau conservée à l’église Saint-Étienne de Saint-Mihiel (avant 1564) est l’une des compositions les plus célèbres attribuée à Ligier Richier. Elle regroupe treize personnages grandeur nature, aux vêtements recherchés et à l’expressivité aboutie. Regardons de plus près : Ligier Richier a donné à Nicodème les traits de Calvin !
L'église Saint-Étienne de Bar-le-Duc abrite sans doute l'œuvre la plus connue de l'artiste : le Monument du cœur de René de Chalon. En 1547, Anne de Lorraine, lui commande un monument à la mémoire de son mari, René de Chalon, Prince d’Orange, allié de Charles Quint, mort 3 ans plus tôt, lors du siège de Saint-Dizier. Surprenant, debout, impressionnant le Transi, squelette hyperréaliste, couvert de lambeaux de peau en décomposition ; il tourne son visage aux orbites creuses vers le ciel, le bras levé, brandissant son cœur. Le Transi, est un ressuscité, triomphant de la mort, qui évoque les Christ en croix, yeux ouverts, de Cranach, le peintre ami de Luther. Ligier Richier s’est-il déjà, à l’époque, converti au protestantisme ? Il introduit une image tout à fait novatrice, en accord avec la foi protestante qui ne s’appesantit pas sur la mort et proclame sa confiance en Dieu.
Ligier Richier, éminent sculpteur de la Renaissance, a ainsi réalisé en pays catholique des œuvres exprimant discrètement son adhésion à la Réforme, par la forme et l’esprit, mêlant naturalisme et forte valeur symbolique.
Source : Paul Denis, Ligier Richier l'artiste et son œuvre, Berger-Levrault, Paris-Nancy, 1911