À l’âge de 15 ans, je quitte le domicile familial en quête de réponses à mes questions existentielles. Je me retrouve dans un squat délabré, en rupture scolaire et familiale.
Tout commence bien
Peu de temps après, je rencontre un mouvement spirituel particulièrement zélé. Je le rejoins en pensant avoir trouvé ma voie et accomplir ainsi la volonté de Dieu. Les premières années au sein du mouvement sont heureuses. Mais, petit à petit, de nouvelles idées et injonctions viennent s’ajouter aux instructions de la Bible. Ne sachant pas déceler les tromperies ou les faux enseignements, je persévère dans les activités et croyances de la « famille » qui m’a adoptée et m’a fait tant de bien au début de ma recherche d’épanouissement spirituel.
Premiers soupçons et rupture
Peu à peu les règlements changent. On exige l’obéissance, souvent aveugle, à notre gourou. On est constamment surveillé, repris, voire puni, en cas d’insoumission et carrément exclu du groupe si on refuse de suivre le troupeau. Je souffre de la nouvelle notion de « liberté sexuelle » que notre chef spirituel veut nous inculquer. Ma conscience crie, mais je la refoule jusqu’au jour où je décide de ne plus suivre le « Prophète ». Mais cela ne se fait pas sans heurts. Cette cassure est un traumatisme qui vient s’ajouter à ceux déjà vécus au sein du mouvement.
L’après secte
Il m’a fallu des années avant de pouvoir réfléchir par moi-même. Avec difficulté, j’ai dû faire le tri à la lumière de la Bible entre les pensées qui m’avaient été inculquées par mon maître spirituel, et celles qui m’appartenaient. Comme les sectes n’enseignent pas que des erreurs, ce travail était pénible et de longue haleine. J’ai dû réapprendre à vivre sur tous les plans.
Il arrive parfois que des personnes qui ont réussi à s’extraire d’un mouvement religieux abusif ne veulent plus, ou ne peuvent plus, entendre le message biblique car il leur rappelle les moments douloureux passés dans la secte. En ce qui me concerne, je croyais toujours en Dieu et désirais, plus que tout, apprendre à le connaître véritablement. Je voulais conserver ma foi en Dieu. Dans ce parcours, j’ai eu la chance de rencontrer une personne capable de m’aider à filtrer les idées délétères et fallacieuses du dirigeant de la secte et ainsi découvrir les principes simples de la Bible.
En fin de compte, ma foi en est sortie purifiée, raffinée et restaurée.
Cinq questions à Myriam Declair
Quels parallèles faites-vous entre la dépendance à un produit et l’embrigadement sectaire ?
Dans la plupart des cas, on constate :
• Une recherche de bien-être, et la séduction quasi narcissique face au produit ou au maître à penser ou au groupe.
• Un sentiment d’être compris, protégé et de pouvoir mieux appréhender le monde environnant.
• Une perte progressive de contrôle et ses conséquences négatives : l’abandon de soi, la déconnexion d’avec ses besoins profonds, la tendance autodestructrice, les fractures sociales et psychiques débilitantes.
Comment tombe-t-on dans le piège d’une emprise sectaire ?
Au départ, on est séduit par des messages idéalistes, on a l’impression d’avoir découvert quelque vérité cachée des autres, on se sent investi d’une mission... et on pense pouvoir gérer, persuadé que la simple motivation de se soustraire un jour suffira à nous rendre libre.
Mais, comme une mouche prise dans une toile d’araignée, il est très difficile de s’extraire d’une emprise sectaire, même avec une forte volonté. On se retrouve petit à petit enfermé à tous les niveaux, par le biais de stratégies efficaces ou de mises en place de comportements déviants qui finissent par rendre la personne captive, au détriment de son bonheur.
Comment peut-on savoir si notre recherche de spiritualité devient addictive ?
Chacun devrait se poser les questions suivantes :
• Est-ce que j’utilise ma religion/croyance pour éviter des problèmes psycho-sociaux ?
• Suis-je préoccupé par la religion au point de négliger mon travail ?
• Mon dévouement à cette cause, à cette personne ou à ce groupe, prend-il la place que devraient occuper mes enfants ou ma famille ?
• Est-ce que mes croyances m’isolent de mes amis et de la vie en société ?
• Est-ce que j’utilise mes croyances pour me justifier quand je suis désagréable ou abusif envers mon entourage ?
• Les gens qui me connaissent me trouvent-ils aveuglé, intolérant ou obsédé par mes croyances ?
• Ma situation découle-t-elle d’un choix informé et personnel ou d’un désir de conformité et de soumission à la pensée du groupe ?
Quels conseils donner aux proches des victimes d’une secte ?
De la même manière que la famille d’une personne alcoolique ou droguée souffre, les proches d’une personne embrigadée ressentent eux aussi souvent de la honte et de la culpabilité. Ils peuvent également en pâtir sur le plan moral, physique et financier. Par conséquent, les conseils sont assez semblables :
• Garder le contact autant que possible avec l’adepte.
• Ne pas porter de jugements brusques ou inadaptés sur lui ou ses nouveaux amis.
• Se renseigner sur le mouvement.
• Ne pas lui donner de l’argent pour ne pas encourager sa dépendance.
• Lui proposer de rencontrer des ex-adeptes.
• Lui présenter des spécialistes, thérapeutes et professionnels formés dans ce domaine.
• Lui proposer des alternatives saines pour ses projets personnels et au niveau de sa santé.
• L’accueillir avec compassion et encouragement au moment de sa prise de distance d’avec son « gourou ».
• Ne pas sous-estimer le pouvoir du groupe sur l’ex-adepte et sa vulnérabilité.
Peut-on sortir d’une secte et croire encore ?
Oui, mais pour cela, il faut accepter de reconstruire sa perception de la foi, prendre le temps d’analyser les fausses doctrines inculquées pendant de nombreuses années qui ont marqué insidieusement l’être entier. Il faut comprendre aussi que ce sont les hommes qui ont tordu le vrai sens des choses, et que Dieu n’est pour rien dans cet imbroglio d’explications erronées qui éloignent de son plan d’amour pour l’être humain.