L’adresse
Arrivé fin août dans une nouvelle Église, je prends doucement mes fonctions. Le mois de septembre n’est pas fini que je reçois le message d’une fidèle de l’assemblée : une de ses amies vient de perdre son fils de 4 jours.
Elle m’explique qu’il était prématuré avec une pathologie diagnostiquée in utero, qui nécessitait une lourde opération. Celle-ci n’a pas permis de soigner son système digestif. Il est décédé le matin même à l’hôpital dans les bras de Sabrina et Marc, ses parents. Elle est chrétienne ; lui, ne l’est pas. Elle est venue une ou deux fois dans notre Église, mais n’est pas connue des membres.
La demande des parents, exprimée à cette amie à mon adresse, est formulée dans un SMS : « Ils veulent faire quelque chose… Ils vont se renseigner cette après-midi sur les arrangements. »
Mon réflexe est de prendre contact avec l’aumônier aux hôpitaux avant même de contacter ce couple.
J’ai besoin de comprendre comment fonctionne cet hôpital, pour ne pas m’y perdre, et connaître ce qui y existe déjà comme accompagnement spirituel et psychologique. J’aborde aussi avec lui les questions pratiques des pompes funèbres, les procédures dans ces cas-là, etc.
Je prends donc un maximum d’informations sur les suites habituelles pour, au moins, ne pas être perdu dans les aspects pratiques des obsèques. Je souhaite aussi anticiper au mieux les possibles difficultés et savoir quelle place je peux prendre. Puis j’appelle ce couple afin de me présenter et leur proposer de les voir, ce qu’ils acceptent.
La préparation de l’entretien
Formé aux actes pastoraux, j’ai l’habitude de conduire l’entretien avec les proches du défunt, posant des questions sur sa vie, son psaume ou cantique préféré… Toutes ces questions qui n’ont aucun sens dans ce contexte. Rien n’a de sens.
Je décide d’appeler mon collègue, Paul Efona, pasteur à Grenoble, qui a travaillé de près la question du deuil périnatal dans le cadre de sa formation de conseiller conjugal et familial. Une longue conversation s’ensuit qui me permet de me rendre compte justement de toutes les questions pertinentes à poser, mais aussi de saisir un peu les spécificités d’un deuil périnatal.
Son meilleur conseil est celui de prendre du temps à parcourir le site Association Petite Famille (petiteemilie.org). C’est une association fondée par une mère ayant vécu ce deuil. C’est une mine d’informations pertinentes. Il y a aussi un forum rempli de témoignages qui permettent de mieux « comprendre » ce que vivent les parents confrontés à cette épreuve. Beaucoup d’entre eux sont profondément émouvants.
À leur lecture, je m’autorise à pleurer pour ne pas pleurer en présence de Sabrina et Marc ; c’est leur deuil, leur chagrin et non le mien. C’est la limite que j’ai apprise à mettre à l’empathie : ils auront plus besoin de mon épaule que de mes larmes.
Des éclairages de mon collègue et de la visite de ce site, je retiens plusieurs éléments pertinents :
- Il est évident qu’il ne s’agit pas du deuil classique d’un être cher. Les parents font le deuil de la vie qu’ils rêvaient d’avoir avec cet enfant, de tout ce qu’ils imaginaient de leur avenir avec lui et des projections dans leur vie de famille. Avoir conscience de cela permet d’y apposer des mots.
- Cependant, il est aussi important de parler du deuil d’une personne déjà là et aimée. Leur fils était là, il n’était pas qu’un fantasme. Ainsi il faudra chercher à valoriser l’expérience de la relation avec leur fils. Une relation, certes de quatre jours, mais une vraie relation affective, sensorielle et réciproque. Sur le forum, beaucoup de parents témoignent que les jours, les heures, et même les minutes de vie de l’enfant ont été vécus comme un cadeau ! Plusieurs parents valorisent le fait d’avoir été, et même d’être toujours les parents de cet enfant. Le fait d’être parents est d’autant plus fort quand c’est leur premier enfant. Touché par cela, cette pensée me sera utile lors de l’entretien.
- Enfin je prends conscience qu’au ...