1. L’Évangile de Jésus-Christ provoque une rupture avec la conception traditionnelle des relations entre hommes et femmes, tant en Israël que dans le monde païen. La place reconnue aux femmes dans le Nouveau Testament est remarquable. Contrairement aux usages, Jésus ne craignait pas d’avoir des femmes parmi ses disciples. Le livre des Actes nous montre le rôle éminent de certaines femmes dans le développement de I’Église : Lydie à Philippes (16.11-15), Priscille qui, avec son mari, instruit Apollos dans la foi (18.26), les filles de Philippe qui prophétisent (21.9). Les épîtres de Paul évoquent de nombreuses femmes dont l’aide est précieuse à l’apôtre : entre autres, Phoebé, appelée diacre et protectrice (Rm 16.1-2), Priscille, collaboratrice (Rm 16.3), Évodie et Syntyche, également collaboratrices (Ph 4.2-3).
2. Dans son enseignement, l’apôtre Paul aborde à plusieurs reprises la question des ministères féminins sans la traiter de façon systématique. L’apôtre Paul, pour qui la femme n’est pas sans l’homme, ni l’homme sans la femme, 1 Co 11.11 (dans le Seigneur), proclame hardiment que la grâce de la filiation divine est donnée aux hommes et aux femmes ensemble (Ga 3.26-28 ; 2 Co 6.18). Pareillement pécheurs, ils revêtent pareillement le Christ et sont un en lui, lui en qui il n’y a plus ni homme ni femme (Ga 3.27-28). Les charismes, nécessaires à l’édification de l’Église et à l’accomplissement de sa mission, sont distribués selon la liberté de l’Esprit à tous les membres du corps de Christ. Les listes de charismes que nous donne l’apôtre ne sont accompagnées d’aucune restriction quant au sexe (Rm 12 ; 1 Co 12).
3. Mais la situation nouvelle que les femmes connaissent grâce à l’Évangile ne supprime pas toutes les différences dans le rôle que chaque sexe est appelé à jouer au service de Dieu. Ces rôles ne sont pas interchangeables.
À propos du service de la Parole, le fait même que la question de la parole publique des femmes se soit posée montre qu’un changement était intervenu. Il n’en aurait pas été question dans la synagogue juive ou dans l’assemblée grecque.
Paul s’exprime plus précisément sur ce chapitre à plusieurs reprises : une fois, il reconnaît aux femmes la possibilité de prophétiser ou de prier en public (1 Co 11.5) ; une autre fois, il ne leur permet pas d’enseigner et de dominer l’homme (1 Tm 2) ; ailleurs encore, il mentionne que les femmes doivent se taire et rester soumises (1 Co 14.34) – certains exégètes, cependant, lisent plutôt dans ce passage l’interdiction d’un bavardage intempestif.
4. Une question se pose : ces textes pauliniens doivent-ils être compris comme des règles fondamentales et permanentes, ou comme des conseils de sagesse, applicables à une situation donnée, celle de l’Église du premier siècle ? Il y a certainement un élément circonstanciel dans les arguments de l’apôtre. Il cherche à faire comprendre ce qui convient et ce qui ne convient pas. Il veut écarter tout ce qui risquerait de discréditer l’Église du Christ, de susciter des calomnies, ce qui serait le cas là où des femmes, abusant de leur liberté nouvelle, feraient fi des règles de la bienséance (1 Co 11 et 14 en sont des exemples). Ceci nous encourage à tenir compte des pratiques et de la sensibilité de notre époque dans l’application des principes que nous donne l'Écriture
Mais Paul ne fait pas seulement appel à des arguments de convenance. Il fonde ses interdictions sur la subordination de la femme à l’homme, qu’on trouve associée à leur commune création à l’image de Dieu, dans l’ordre originel voulu par Dieu selon 1 Tm 2.9-15. Notre respect de l’inspiration biblique nous fait un devoir de suivre l’apôtre dans les conclusions qu’il tire du texte de la Genèse.
5. Dieu attribue à l’homme une autorité spécifique. S’il y a là un ordre voulu par Dieu, nous ne pouvons en aucune façon renverser ou détruire cet ordre pour nous conformer aux courants de pensée du monde moderne. Les femmes chrétiennes ne doivent pas rejeter toute subordination et refuser le rôle que Dieu leur assigne. Il leur est donné de refléter l’attitude de l’Église à l’égard du Christ et du Christ à l’égard du Père (Ép 5 ; 1 Co 11).
Il y a d’ailleurs une subordination générale et réciproque, qui vaut aussi bien pour l’homme (Ép 5.21). Elle n’efface pas les différences d’autorité, mais détermine la manière dont l’autorité est exercée. L’autorité de l’homme est l’autre face du service dont il est responsable. Pour la femme, reconnaître cette autorité, ce n’est pas courber l’échine et s’effacer, mais aider l’homme à l’assumer.
6. L’Église s’est trop souvent laissé enfermer dans l’alternative de l’égalitarisme et de l’autoritarisme. Elle a compris la notion d’autorité et de soumission à la façon du monde et non à la lumière de l’Évangile. Alors qu’elle contribuait à la promotion de la femme, elle a laissé s’établir une relation hiérarchique, dominatrice, faisant de la femme la servante et non l’aide de l’homme, son prolongement et non son vis-à-vis. Ainsi, la plupart des chrétiennes, confinées dans des besognes mineures ou jugées telles, n’ont pas pu mettre au service des autres le don qu’elles avaient reçu (1 P 4.10).
7. Dans l’Église de Jésus-Christ, tous les chrétiens ont un ministère (diakonia, service). Tous, hommes et femmes, sont serviteurs ou ministres du Seigneur. Dans la première Église, qui vivait dans un monde où les femmes étaient généralement tenues à l’écart, les chrétiennes ont pu jouer un rôle important et utile. L’ordre des veuves, dont il est question dans 1 Tm 5.9-10, en est un exemple. Il ne s’agit pas de copier une organisation que le Nouveau Testament ne cherche pas à institutionnaliser, mais de découvrir dans chaque situation comment tous les chrétiens, hommes et femmes, peuvent accomplir le meilleur service pour le Seigneur. Il faut permettre aux femmes de discerner les dons qu’elles ont reçus de Dieu et de les exercer dans l’Église pour l’utilité commune.
8. Une autorité s’attache à l’exercice de certains ministères. Peut-on les inclure parmi les services que les chrétiennes peuvent remplir ? La question est particulièrement brûlante en ce qui concerne le ministère pastoral qui implique à la fois l’exercice d’une autorité et la parole publique.
Dans certaines Églises, des femmes sont consacrées à ce ministère. D’autres Églises s’y refusent, en voyant dans la restriction de 1 Tm 2.12 un empêchement absolu. Dans ce texte, Paul se réfère à l’ordre créationnel voulu par Dieu : on ne peut donc pas écarter ce verset en n’y voyant qu’un simple conseil dicté par les circonstances. Mais la référence à l’ordre créationnel montre aussi, pensons-nous, quelle est l’intention du texte. L’apôtre se rapporte à la Genèse pour établir (comme en 1 Co 11) la subordination de la femme ; et c’est seulement pour maintenir ce principe, a titre de conséquence, qu’il ne permet pas à la femme d’enseigner. À l’époque de Paul le lien entre autorité et enseignement était évident pour tous ; nous ne pouvons pas, dans notre situation culturelle, en dire autant. Il se pourrait que le même principe créationnel s’applique aujourd’hui d’une façon différente. D’autre part, on peut concevoir que la règle posée par Paul définisse le régime ordinaire, Dieu restant libre d’appeler une femme à un ministère extraordinaire, en lui confiant les dons voulus, comme dans les cas de Débora et de Priscille.
9. En ce qui concerne l’accès de la femme au ministère pastoral, nous offrons quelques avis et suggestions. Nous espérons qu’ils seront utiles aux Églises, ou groupes d'Églises, dans l’étude de la question : elle relève de leur compétence.
a) La femme peut porter publiquement la parole dans l'Église : le Nouveau Testament le dit expressément pour la prophétie et la prière ; il serait en tout cas souhaitable qu’elle use effectivement de cette liberté parmi nous.
b) La démarcation entre prophétie et enseignement n’est pas toujours très nette dans l’Écriture ; certains aujourd’hui attribuent plus d’autorité à celle-là qu’à celui-ci !
c) La pratique de l’enseignement par de nombreuses femmes dans le monde actuel (et dans les missions chrétiennes outre-mer !) constitue un fait nouveau par rapport au temps apostolique, et semble se concilier fort bien avec l’épanouissement spécifique de la féminité.
d) Il semble possible de concevoir des formes d’enseignement ordinaire dans l’Église dont l’autorité n’aurait pas le caractère de la domination sur l’homme dont parle l’apôtre.
e) Dans cette perspective, nous reconnaissons que le principe de subordination maintient une limite, mais nous invitons les Églises à montrer plus de souplesse inventive et plus de générosité dans l’ouverture à la femme de ministères de la parole.
f) L’hypertrophie du rôle du pasteur représente un obstacle majeur à la participation de la femme aux tâches pastorales ; une réforme serait souhaitable dans le sens d’une plus grande collégialité et de la mise en valeur des dons divers, selon le Nouveau Testament ; elle faciliterait la combinaison harmonieuse des ministères masculins et féminins.
g) Un ministre de l’Évangile ne détient pas seul l’autorité de sa charge: consacré par d’autres, il le remplit sous la surveillance d’un Conseil co-responsable. Si un Conseil d’Église reconnaît à une femme des dons venus de Dieu, c’est l’autorité de ce Conseil qui est aussi en jeu lorsqu’elle met en œuvre ces dons.