Cette année là, l’amiral Du Petit-Thouars se rend à Tahiti où il s’allie avec des habitants qui cherchent un protectorat de la France et se sont opposés à la reine Pomaré IV alors au pouvoir. Il oblige la reine à signer un traité de protectorat.
Le missionnaire anglais Pritchard, qui avait accompli un travail considérable depuis 1824, est expulsé. Depuis 1797, et après bien des vicissitudes, parfois dramatiques, les missionnaires anglais avaient en effet réussi à gagner une partie de la population et la royauté elle-même à la foi chrétienne. Les idoles avaient été détruites. La terrible idole Oro, jusqu’à là jamais rassasiée de sacrifices humains, avait été apportée en un cortège triomphal, au souverain Pomaré II, qui en avait fait un pilier pour sa cuisine ! Il avait fallu plus de vingt ans pour aboutir à ce triomphe.
Au tout dernier moment, un complot fut éventé, où tous les chrétiens devaient être massacrés. Après le combat, qui dut être livré, le roi et sa femme la reine Pomaré IV, avaient usé d’une telle magnanimité, inspirée par leurs convictions chrétiennes, que les plus hostiles en furent impressionnés. Beaucoup se rallièrent à la foi dont ils avaient ressenti la sublimité.
Dumont d’Urville, dans son « Voyage autour du monde », avait rendu un beau témoignage à cette noble attitude et à ses effets : « Cette conduite, si étrange dans le pays, gagna à Pomaré et à son Dieu une foule de partisans. On compara les deux religions : l’une toute de douceur et de clémence, ne répandant le sang que pour se défendre ; l’autre farouche et impitoyable, demandant à toute heure des victimes nouvelles. La comparaison fut un beau plaidoyer pour le christianisme, et cette journée lui valut la conquête de Tahiti ».
Tout cela avait fait des jaloux ! Et la pauvre mission fut victime de la lutte d’influence que se livraient, par églises interposées, les Français et les Anglais dans le Pacifique. Le gouvernement pourtant libéral de Louis-Philippe fut travaillé par la diplomatie vaticane, et la reine Pomaré IV fut contrainte d’accepter, non sans résistance, une quasi-annexion par la France et l’hégémonie des missionnaires catholiques.
En France, l'opinion publique se divisait entre les partisans d'une politique de fermeté à l'égard de l'Angleterre, de loin les plus nombreux, et ceux du maintien de l'Entente cordiale avant la lettre. Finalement, François Guizot, très attaché à cette entente, promit de verser une forte indemnité au Royaume-Uni, ce qui permit donc de dénouer la crise. Guizot indemnisa donc Pritchard, rappela l'amiral Dupetit-Thouars en France mais, en définitive, la France conserva la possession de Tahiti.
Mais les chambres françaises refusèrent, malgré la raison d’État invoquée par le roi, de ratifier les conditions de cette annexion inique. Guizot enfin désabusé s’activa pour rendre à la reine de Tahiti son règne et son drapeau, sous la protection de la France.
Cette réintégration (qui ne deviendra effective qu’en 1847) ne doit rien aux politiques. Elle avait été aidée par une information de l’opinion publique, jusqu’à-là totalement ignorante de la situation. La Société des Missions de Paris avait amplement contribué à cette information. Après une enquête approfondie sur les évènements jusqu’en 1843, le pasteur Lutheroth, membre du comité, en avait publié les résultats, avec documents irréfutables à l’appui. La même année 1843, une brochure de diffusion plus facile était distribuée aux amis de la Société, tandis qu’une autre brochure de documentation objective et précise était envoyée aux membres des deux chambres.