24 février 1848. Une femme en habits de veuve, tenant un enfant par la main, traverse la place de la Concorde et pénètre dans l’hémicycle de la chambre des députés. Il est 13 h 30.
La présence de la duchesse d’Orléans gêne le poète et homme politique qu’est Alphonse de Lamartine. Il a peur de laisser ses émotions prendre le dessus sur sa résolution d’instaurer un régime républicain. C’est lui-même qui décrit ainsi l’arrivée de la princesse dans la salle des audiences :
« Une femme paraît, c’est la duchesse d’Orléans. Elle est vêtue de deuil. Son voile relevé à demi sur son chapeau laisse contempler son visage empreint d’une émotion et d’une tristesse qui en relèvent la jeunesse et la beauté. Ses joues pâles sont tracées des larmes de la veuve, et des anxiétés de la mère. Il est impossible à un regard d’homme de se reposer sur ces traits sans attendrissements. Tout ressentiment contre la monarchie s’évapore dans l’âme.
Les yeux bleus de la princesse errent dans l’espace dont ils sont un moment éblouis pour y demander secours à tous les regards. Sa taille frêle et élancée s’incline au bruit des applaudissements qui l’accueillent. Une légère rougeur, lueur d’espérance éclate sous les larmes. On voit qu’elle se sent entourée d’amis. Elle tient dans la main droite le jeune roi qui trébuche sur les marches, et dans la main gauche son autre fils, le petit duc de Chartres. Enfants pour qui leur catastrophe est un spectacle. Ils sont tous deux vêtus d’une veste courte de drap noir. Une collerette blanche retombe de leur cou sur leurs vêtements ; portraits vivants de Van Dyck et sortis de la toile des enfants de Charles 1er d’Angleterre. »
Lamartine et plusieurs députés insistent pour délibérer hors de la présence de la princesse…
Finalement elle va s’asseoir au dernier banc du centre gauche. Lamartine demande alors qu’on institue un gouvernement provisoire…
Tout à coup, une foule armée envahit la salle des débats. Certains mettent en joug la duchesse. Découragée, elle quitte alors l'Assemblée et se réfugie à l’Hôtel de la Présidence avec le comte de Paris, puis aux Invalides où elle passe la nuit…
Le lendemain matin, la duchesse d’Orléans sort discrètement des Invalides. Elle prend la direction du sud-ouest de Paris, pour se rendre au château de Bligny, près de Limours… Le 26 ils en sortent pour prendre le chemin de l'exil…
Ils doivent attendre durant quatre heures le départ du train pour la Belgique. Enfin la frontière est franchie ! À ce moment, pour la première fois, Hélène d’Orléans se met à pleurer. Son entourage pleure également. Au bout d’un moment elle leur dit :
« Nos émotions sont bien différentes, vous pleurez de joie de nous voir sauvés, je pleure de douleur de quitter la France ».
Victor Hugo écrira (Victor Hugo, Toute la lyre : « 1 mars 1848, XXXVIII Ecrit au bas d’un portrait de Madame la duchesse d’Orléans ») :
Quand cette noble femme eut touché la frontière,
Proscrite et fugitive, hélas! Mais reine encor,
Emportant son grand cœur, sa tristesse humble et fière,
Et ses enfants, tout son trésor,
À ce port de l'exil la voyant arrivée,
Après tant de périls dans ces sombres chemins,
Ceux qui l'accompagnaient disaient: Elle est sauvée!
Et pleuraient en joignant les mains.
Vers ces derniers amis que le malheur envoie,
Elle inclina son front et s'écria: Seigneur!
Me voici hors de France! Ils en pleurent de joie,
Et moi, j'en pleure de douleur!