Les pasteurs et le bon berger
« Je suis le bon berger », dit Jésus dans Jean 10.11. Voilà une image qui ne laisse personne indifférent... Au niveau ordinaire, un berger est quelqu’un qui protège et prend soin de ses brebis. Il leur donne un nom parce qu’il les connaît et qu’il reconnaît à chacune une personnalité. Les bons bergers sont dans une relation personnelle avec leurs brebis : une relation d’amour et de soin.
Les mauvais bergers ne travaillent pas pour les brebis mais pour eux-mêmes. Ils ne se soucient guère de leur bien-être. Elles ne sont pour eux qu’un moyen d’arriver à leurs fins : recevoir un salaire. Si le danger vient, ils s’enfuient. Le mauvais berger ne risque pas sa vie pour elles. Ne connaissant pas les brebis pour ce qu’elles sont, il les abandonne aux loups.
Jésus se présente comme un berger aimant chacune de ses brebis, contrairement aux autorités religieuses de son temps. Mais il y a plus. L’image du berger renvoie dans la Bible à une double attente : celle d’un prophète comme Moïse et d’un roi comme David. Moïse était berger quand Dieu l’a appelé pour guider son peuple et lui révéler la Loi. Depuis lors, Israël attendait un nouveau Moïse pour le guider de nouveau vers la liberté et l’enseigner dans les voies de Dieu. De même, les prophètes avaient annoncé un nouveau David. Or, celui-ci était lui aussi berger quand Dieu l’a appelé à devenir roi d’Israël (Jr 23.4-6 ; Ez 34.23). Le nouveau David attendu serait donc le Messie qui régnerait avec justice et équité.
Ainsi, quand Jésus déclare être le « bon berger », il déclare aussi être ce « prophète comme Moïse » et ce « roi comme David ». Mais en s’appropriant cette double attente, Jésus donne aux mots un sens nouveau et surprenant.
À quatre reprises (Jn 10.11, 15, 17, 18), Jésus avance l’idée que le bon berger « donne sa vie pour ses brebis ». On ne peut donc manquer la centralité de cette idée, qui vient éclairer le sens symbolique de l’image du berger. La croix est clairement la clef d’interprétation du sens du « bon berger ». Pour bien comprendre quel « prophète comme Moïse » Jésus entend être, il faut donc comprendre que c’est en se donnant à la croix qu’il montre la volonté de Dieu pour le monde. C’est là qu’il révèle, mieux qu’avec n’importe quelle parole, que Dieu désire être réconcilié avec le monde et qu’il offre maintenant à son peuple la vie éternelle. Pareillement, la croix est essentielle pour comprendre quel type de Messie, de « roi comme David » Jésus entend être. À la croix, Jésus révèle qu’il est un roi-serviteur. Son règne et son autorité sur son troupeau s’exercent par le don de sa vie. Jésus est le bon berger parce qu’il est un guide, un enseignant, un soignant et un roi… qui sert ses brebis et va pour elles jusqu’au sacrifice ultime.
Comment dès lors nous situer, nous bergers, responsables d’Église, face à Jésus, le bon berger ? Sommes-nous appelés à devenir « bons bergers » ? À remplacer Jésus en quelque sorte dans nos communautés respectives ? La question peut sembler idiote, mais les réponses demandent toutefois quelques nuances…
Bien évidemment, aucun pasteur n’est Jésus... Les pasteurs sont avant tout des brebis et non des êtres à part dans la communauté, des privilégiés ou des intermédiaires entre Dieu et l’Église. Les pasteurs ne sauvent pas.
Cependant, il est vrai que Dieu appelle des pasteurs du sein du troupeau pour qu’ils jouent un rôle spécifique parmi la communauté des croyants. Dieu choisit des bergers pour être celles et ceux qui conduisent le troupeau sur le chemin de la maturité, de la croissance et de la ressemblance à Jésus-Christ. Ils accompagnent les autres brebis dans les moments douloureux et joyeux de la vie pour qu’elles gardent toujours les yeux fixés et les oreilles tendues vers l’unique bon berger.
Ainsi, les pasteurs ont fonction pastorale sans jamais remplacer le Christ. Au contraire, ils sont appelés à prendre Christ en exemple en l’imitant eux-mêmes :
- par le soin qu’ils portent aux brebis, en les restaurant par une parole d’Évangile.
- en proclamant la bonne nouvelle de la croix pour ceux qui se perdent.
- en guidant les regards vers celui qui a le pouvoir de sauver.
- en exerçant son autorité par le service et le don de soi.
Si les pasteurs s’attachent à imiter ainsi le Christ au sein de la communauté, alors tout comme la croix aura porté la vie à ceux qui croient, leur ministère propagera cette vie dans l’Église et au-delà.
Ce numéro a pour ambition de former et d’assister pasteurs et responsables d’Église dans leur ministère de soin, de proclamation, de guidance et d’autorité, à la suite du Christ. Notre espérance est que ses articles si variés (voir le sommaire) vous encouragent à persévérer.
Alors, bonne lecture et bonne marche à la suite du « grand berger » (Hé 13.20).
CNEF : Conseil National des Évangéliques de France
EPUDF : Église Protestante Unie de France
FEEBF : Fédération des Églises Évangéliques Baptistes de France
FLTE : Faculté Libre de Théologie Évangélique (Vaux-sur-Seine)
IBN : Institut Biblique de Nogent-sur-Marne
UEEL : Union des Églises Évangéliques Libres